16 juin 2014
C’est en grande partie l’inspirante mise en scène du duo Bryna Wasserman et Rachelle Glait qui produit un bel effet sur les spectateurs. La scène du Centre Segal se transforme tantôt en cabaret, tantôt en synagogue ou en église. Ces transformations motivent les comédiens-chanteurs à s’adapter à différentes atmosphères, à des situations qui les obligent à changer d’attitude ou de tempérament. Et le résultat, d’un charme nostalgique et hautement raffiné, nous laisse un goût de rêve éveillé, de bonheur extrême; car les comédies (ou drames) musicales sont faites de tout cela : énergie dans l’art du jeu, morale universelle, action rassembleuse, montrer que le monde est naturellement bon malgré tous ses inconvénients incontournables. Et chez les comédiens-chanteurs, tous montrent un talent certain, une aisance à bouger autour de l’espace scénique, pour mieux le dominer et le posséder.
La chanteuse, c’est nulle autre que la célèbre Nina Simone, muse incontestée d’une musique jazz et blues à la fois suggestive et enivrante. Avec sa voix intense et sa présence charismatique, Coco Thompson habite le personnage avec autant d’invulnérabilité que d’humanité. Le rebelle, c’est Shlomo Carlebach, le rabbin controversé qui, sans remettre en question les codes stricts du judaïsme hassidique, a voulu y apporter des transformations nécessaires pour de meilleurs rapports avec d’autres religions. Dans les années 60 et 70, en prenant comme base la liturgie traditionnelle juive, il a su lui implanter savamment des tonalités folk, soul et autres de la musique populaire.
Entre le père et le fils, un rapport conflictuel qui finira par s’apaiser par le pouvoir étincelant de la musique. Il a quelque chose de biblique dans cette pièce, évoqué en filigrane. À chacun d’y voir la signification. Montée à Broadway en 2013, Soul Doctor a connu un grand succès. Le Segal la présente dans sa version yiddish comme spectacle de clôture de la saison théâtrale 2013-2014.
Sur la surface de la scène, au centre, un cercle en forme de disque 33 tours. Comme si le temps s’était arrêté pour que nous puissions rejoindre un univers idéal, un paradis sur terre où l’entente entre les individus fait partie du quotidien.
Le livret de Daniel S. Wise brille par sa narration emblématique; la musique de Shlomo Carlebach scintille radieusement par ses tonalités; les paroles de David Schechter caressent doucereusement notre conscient. En somme, une excellente soirée à ne manquer sous aucun prétexte.
COMÉDIE MUSICALE | Auteur : David Mamet – Mise en scène : Brynna Wasserman, Rachelle Glait – Chor. : Jim White – Dir. mus. : Nick Burgess – Trad. : Edit Kuper, Aron Gonshor – Décors : John C. Dining – Costumes : Louise Bourret – Son : Peter Balov – Musique : Dimitri Marine – Éclairages : Luc Prairies – Comédiens/Chanteurs : Adam Stotland (Shlomo Carlebach), Coco Thompson (Nina Simone), Rhona Sobol (la mère), Sam Stein (le père), Aron Gonshor (Reb Pinchas) et, entre autres, Mark Bassell, Justin Johnson, Sharon Koifman, Orel Shuker | Durée : 2 h 10 (incl. 1 entracte) – Représentations : Jusqu’au 29 juin 2014 – Centre Segal.
MISE AUX POINTS
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