7 septembre 2014
C’est avec impatience que nous attendions The Graduate, première pièce de la saison 2014-2015 au Centre Segal, lieu de prédilection en ce qui a trait au théâtre anglophone, à Montréal. Adapté du roman de Charles Webb et du scénario de Calder Willingham et Buck Henry pour le film de Mike Nichols, la version de Andrew Shaver déçoit. Honnêtement, en toute sincérité, nous aurions voulu que ce soit le contraire puisque cet immense homme de scène a prouvé à maintes reprises qu’il pouvait être un acteur accompli, un metteur en scène audacieux et un producteur aguerri. En situant le récit dans la même décennie que dans l’original, il y a là un point fort, certes. Ceux qui ont lu le roman de Webb et vu le film de Nichols pourront apprécier les clins d’œil affectifs, mais non pour le moins plutôt mal nourris.
Le corps sculptural de Brigitte Robinson est plus qu’agréable à regarder, mais la nudité totale sur scène était-elle vraiment nécessaire ? Aller toujours plus loin, provoquer gratuitement, cela semble l’apanage de certains metteurs en scène. Les spectateurs le veulent-ils vraiment ? Ne recherchent-ils pas , en fait, un retour de l’imaginaire, du fantasme ? Pourquoi tout montrer ?
Autre problème majeur : la relation amoureuse entre Elaine Robinson (Georgina Beaty) et Benjamin Braddock (Luke Humphrey) ne semble pas s’incarner, se réaliser, provoquer notre sensibilité. Les acteurs ne font que réciter leurs répliques, le plus souvent même sans conviction. Nous avons énormément de difficulté à croire en leur coup de foudre. Ou l’est-ce vraiment ?
Soyons quand même indulgents : Brigitte Robinson (au nom prédestiné) incarne une Mrs. Robinson magnifique, s’emparant de la scène comme s’il s’agissait d’une seconde nature. Elle est libre, entière, comédienne souveraine.
Les autres personnages-acteurs se débrouillent du mieux qu’ils peuvent, sans oublier de souligner que les deux chanteurs aux belles voix uniformes s’insèrent dans la pièce sans vraiment apporter quelque chose à l’ensemble. Sauf, sans doute, un élément de nostalgie savoureux.
Mais la vraie surprise de la soirée, c’est sans aucun doute Alain Goulem (Mr. Robinson), la meilleure performance du groupe, sans nul doute. L’espace théâtrale devient pour lui une sorte de laboratoire expérimental où le comédien se plaît à déconstruire son personnage pour lui attribuer une humanité éclatante. Il respire son rôle, l’habite avec un confort sidérant et renvoie aux spectateurs, pudiquement, mais sûrement, le poids énorme de ses interrogations.
Bon travail pour la conception vidéographique qui évoque avec subtilité l’univers cinématographique, mais des changements de décors un peu trop expéditifs et mal structurés déconcertent.
Quant à la fin, qui n’existe pas dans le film, elle nous a parue inutile. En fait, ce que nous nous permettrons d’appeler la finale « céréale », puisqu’il est question d’une scène entre les deux amoureux impliquant une boîte de graminées, donne à la pièce un caractère puérile insupportable et l’allonge de plusieurs minutes sans absolument aucune réelle nécessité.
COMÉDIE DRAMATIQUE | Auteur : Charles Webb (roman), Calder Willingham, Buck Henry (scénario du film The Graduate, de Mike Nichols) – Adaptation : Terry Johnson – Mise en scène : Andrew Shaver – Décors : James Lavoie – Costumes : Susana Vera – Musique : Justin Routledge, Matthew Barber – Éclairages : Martin Sirois – Conception-vidéo : George Allister, Patrick Andrew Boivin – Comédiens : Luke Humphrey (Benjamin Braddock, Brigitte Robinson (Mrs. Robinson), Georgina Beaty (Elaine Robinson), Graham Cuthbertson (Hotel Clerk, Psychiatrist), Alaim Goulem (Mr. Robinson), Marcel Jeannin (Mr. Braddock), Seska Lee (Stripper), Jane Wheeler (Mrs. Braddock | Durée : 2 h 30 approx. (incl. 1 entracte) – Représentations : Jusqu’au 21 septembre 2014 – Centre Segal.
MISE AUX POINTS
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