Entrevues

Gilles Jacob

21 octobre 2014

FRANÇOIS TRUFFAUT, L’ÉTERNEL

Propos recueillis par Claire Valade
(Version revue et augmentée) *

À l’instar de François Truffaut, Gilles Jacob a débuté dans le monde du cinéma comme critique. Alors que Truffaut passait derrière la caméra pour réaliser ses propres films, le hasard a plutôt amené Jacob à migrer vers l’autre bout de la chaîne de création, à la réception des œuvres. Aujourd’hui président d’honneur du Festival de Cannes, il y a passé 38 années, d’abord comme assistant puis délégué général et, enfin, comme président. Son amitié avec Truffaut ne s’est jamais démentie, même par-delà la mort du cinéaste. Il a accepté de confier à Séquences quelques souvenirs et réflexions sur Truffaut.

LES PÈRES DE SUBSTITUTION
« Ce qu’il faut comprendre, c’est que Truffaut était un enfant malheureux. Un enfant pauvre et mal aimé. Toute sa vie, il a cherché des pères de substitution. Généralement, dans des cas semblables, on parle d’un seul père, mais pour lui, c’est devenu en fait plusieurs pères. Par exemple, il s’est imaginé, bien sûr, Langlois, Renoir, Rossellini, Hitchcock — enfin, plusieurs. Et il fallait que ces pères remplissent d’abord, instinctivement, un certain nombre de conditions : il fallait qu’ils soient liés au cinéma, que Truffaut les admire et qu’il puisse s’identifier à eux, c’est-à-dire qu’ils devaient lui donner du temps. Renoir, ça a été toute sa vie. D’ailleurs, vers la fin, quand Renoir était très diminué, à Los Angeles, Truffaut a toujours été extraordinairement fidèle et reconnaissant. Rossellini aussi a incarné une sorte d’admiration artistique. Et puis, évidemment, Hitchcock, c’est le numéro un dans l’échelle de l’amitié, dans la proximité de cinéaste. Toute sa vie, chaque fois que Truffaut avait un problème en matière de mise en scène, il se demandait ce que ferait Hitchcock à sa place. Pas ce que ferait Rossellini. Il faut dire que Truffaut avait aussi la volonté, comme Hitchcock, de passionner le spectateur en trouvant toujours une solution qui plonge celui-ci dans la curiosité de ce qui allait se passer ensuite, ce qui n’était pas du tout le propos de Rossellini. Mais c’était toujours pareil. Tous ces pères de substitution étaient des gens qui avaient une morale bien à eux, une philosophie particulière et personnelle. Il n’y avait pas que le cinéma, finalement. ».

DE REBELLE À BOURGEOIS
« Et puis, il y a eu Bazin. Bien sûr, Bazin a très bien compris Truffaut le rebelle. Bazin était un homme accueillant, indépendamment de ses qualités cinématographiques, littéraires, pédagogiques. Il était très humain et il a vite senti qu’il pouvait éviter à Truffaut de devenir un voyou — les drames au service militaire, le conseil de guerre, enfin, toutes ces histoires bien connues. Bazin les a contrecarrées pour empêcher François de basculer dans l’irréversible, entre autres grâce à l’amour du cinéma (que Truffaut connaissait comme ça, à l’époque, il faut le souligner, par ses petites sorties dans le quartier avec les copains, quand il séchait la classe ou qu’il volait des photos à l’entrée des salles la nuit, anecdotes qu’il a d’ailleurs merveilleusement reprises dans Les 400 coups). C’est drôle. Truffaut a débuté comme une sorte de petit hors-la-loi et plus tard, quand il s’est marié, c’est comme s’il était entré dans les ordres : le cinéma. Et en même temps il est devenu très ordonné, très méthodique. Il allait au bureau où sa femme, Madeleine Morgenstern, l’aidait. Par la suite, Les Films du Carrosse ont engagé du personnel, comme le fameux Marcel Berbert, donc ce personnel, il fallait le rémunérer. Par ailleurs, François accumulait des dossiers où il classait des articles, généralement des faits divers, en se disant “un jour, je m’en servirai pour un film”. La première fois qu’il est venu chez moi, il m’a apporté une chemise, que je vois encore, avec des photos et un article écrit à la main. (Ce n’était pas encore la belle écriture ronde qu’on lui connaît, mais une écriture assez disparate.) Déjà, il y avait là le classement, la méthode. En quelque sorte, le rebelle s’était embourgeoisé ou, en tout cas, extraordinairement rangé, y compris dans son emploi du temps et sa correspondance. »

PORTRAIT ÉPISTOLAIRE
« J’ai publié la Correspondance, avec Claude de Givray, d’abord parce que je me suis rendu compte qu’elle était considérable. Ensuite, elle était passionnante par beaucoup d’aspects, y compris la compréhension du cinéma, la psychologie de Truffaut et son emploi du temps, et ce lien avec les grands metteurs en scène, comme Hitchcock. Ça s’est d’abord fait un peu laborieusement, parce qu’il fallait que la famille accepte, ce qui a été assez compliqué. Ensuite, il y avait aussi la manière de travailler de Claude de Givray, qui était très ami avec Truffaut, je crois que sa femme a travaillé au Carrosse — beaucoup plus proche que moi, d’ailleurs, puisqu’il a été aussi son assistant, parfois son coscénariste. C’était un type délicieux, ce qui s’est révélé un problème parce qu’on n’avançait pas beaucoup, lorsqu’on était ensemble. Il venait chez moi, généralement le samedi, et on passait des moments très agréables car il avait toujours une foule d’histoires à raconter, on commençait à travailler un peu sur les lettres, puis on parlait d’autre chose, on prenait le thé et je me rendais compte que l’après-midi avait passé sans qu’on ait travaillé vraiment. Ça ne m’allait pas du tout, puisque j’avais à l’époque deux autres métiers en même temps et une famille. Ce que je voulais, c’était avancer. En fin de compte, j’ai presque tout fait tout seul mais en lui conservant toute sa place, bien entendu. Il avait beaucoup travaillé avec Truffaut et, en plus, c’était un homme que j’aimais beaucoup, un être charmant. D’un point de vue plus personnel, j’avais tenu à écrire la préface de cette Correspondance, parce que je voulais raconter l’enfance de Truffaut sur le terrain, en allant dans les lieux, principalement le IXe arrondissement, presque avec une boussole, d’une rue à l’autre, d’un cinéma à l’autre (des cinémas qui n’existent plus, d’ailleurs). Bref, j’ai essayé d’imaginer quelle était sa vie à ce moment-là, qui était le contraire de la mienne. »

REBELLE AUTODIDACTE ET RECONNAISSANT
« Moi, j’étais un élève studieux, j’allais en classe. Lui était mauvais élève, il séchait les cours, il ne se concentrait que sur les choses qui l’intéressaient. Par exemple, on sait peu que Truffaut a fréquenté des clubs d’orateurs, comme le Club du Faubourg, où je suis allé une ou deux fois. On y côtoyait de grands avocats et toutes sortes de gens qui s’y entraînaient à faire des discours en public. Truffaut intervenait brillamment. Il était encore tout gamin, peut-être 15-16 ans. Et il épatait les gens. Il avait une formidable facilité d’élocution et une vivacité. Bien sûr, il avait tout appris lui-même — la critique, le cinéma comme le reste. Quand il se passionnait pour quelque chose, il se donnait à fond! Truffaut était ce que j’appellerais un activiste reconnaissant : s’il croyait en quelque chose (ou quelqu’un), il faisait tout pour approfondir, protéger, soutenir. Tout le contraire de Godard, qui est plutôt du genre individualiste. »

LANGLOIS ET CANNES 68
« Ce n’est pas douloureux pour moi, mai 68. J’étais simple journaliste et, quand ils ont tous dévalé sur Cannes [ndlr : le groupe de protestataires, dont Truffaut, Godard, Lelouch, Berri et Léaud], je regardais tout ça, plutôt amusé. Je raconte cet épisode longuement dans mon prochain livre, donc je ne veux pas en parler maintenant. Mais je peux au moins en dire ceci : Truffaut a réussi une action très importante à Cannes, en mai 68. Godard aussi, d’ailleurs. Ils sont quand même parvenus à canaliser les protestataires, ce qui n’était pas rien, puisque tout partait dans tous les sens, c’était vraiment n’importe quoi. Eux, ils ne voulaient qu’une chose : l’arrêt du Festival. Et ils y sont arrivés! Ce n’était pas du tout évident parce qu’il y avait beaucoup de gens qui s’y opposaient — les étrangers, beaucoup de professionnels, la direction du Festival. Mais pour Truffaut, il y avait bien sûr Langlois au cœur de tout ça. Truffaut lui vouait une grande admiration, notamment à cause de la Cinémathèque. Étant un activiste reconnaissant, Truffaut avait toujours protégé Langlois d’une manière militante. Aussi, en mai 68, lorsqu’il est descendu sur Cannes avec ses amis pour arrêter le Festival, c’était, pour lui, d’abord afin d’exiger que Langlois réintègre la rue de Courcelles et retrouve toute sa place [ndlr : Langlois avait été évincé par Malraux de la direction de la Cinémathèque française, puis réintégré à contrecœur, si l’on peut dire]. Seulement, pour les autres, l’action cannoise, cette année-là, ça dépassait largement l’affaire Langlois. Finalement, c’est Godard qui a remis les pendules à l’heure, en disant à Truffaut : « Arrête tes conneries. On est là pour faire la révolution. On n’est pas là pour Langlois. Langlois, c’est fini, c’est derrière. »

QUERELLE PACIFIÉE
« Je pourrais prétendre que ce fut très compliqué d’obtenir l’autorisation de Godard pour la Correspondance, mais pas du tout! En fait, je ne me rappelle pas avoir eu de difficulté, lorsque je lui ai expliqué. Je tenais mordicus à ces deux fameuses lettres, horribles, où ils s’étaient insultés copieusement. L’un disait “tu es un menteur”; l’autre, “tu es un salaud”. C’est ce qu’on appelle se jeter ses quatre vérités à la figure… Leur violence verbale était d’une autant plus grande méchanceté qu’ils se connaissaient intimement! Ils s’entendaient très bien tous les deux, à un moment de leur vie, puis ils se sont engueulés. Il y a eu des histoires de filles, des rivalités professionnelles — il n’y avait pas que le cinéma, il y avait aussi les filles, bien sûr. L’amour a toujours pris beaucoup de temps dans la vie de Truffaut (bien qu’il fallait évidemment et impérativement que ces demoiselles aiment le cinéma, parce que le cinéma, ça passait avant tout le reste). Bref, pour moi, ces deux lettres représentaient le point culminant de la Correspondance. J’avais l’accord de la famille Truffaut, mais pas celui de Godard. Je lui ai donc envoyé les lettres, en insistant. Et il a compris l’importance du projet — peut-être même que ça l’a amusé, avec lui, on ne sait jamais. Il a même rédigé pour le livre un très beau texte. Comme François était mort et que nous étions encore en vie, c’était normal qu’on ait ce sentiment, non pas de honte, mais plutôt d’être gagnants involontaires, en années vécues. C’est l’injustice de la nature humaine. À 52 ans, Truffaut est mort affreusement jeune. Il avait encore toute une œuvre devant lui. »

LA TOUCHE TRUFFAUT
« Mon œuvre préférée de Truffaut change tout le temps. J’aime beaucoup tous les films des débuts (Les 400 Coups, Tirez sur le pianiste, etc.), qui sont d’une fraîcheur intacte encore aujourd’hui. Je dirais un autre jour que je préfère La Peau douce, qui est une œuvre très moderne. C’est un film de déclics, où il y a des milliers de plans. Ce n’est pas du tout le Truffaut classique — le montage tranquille, etc. Pas du tout. Tout va très vite, avec des changements de vitesses, des plans de feux rouges, de voyants d’étages d’ascenseur, les scènes dans l’avion, Jean Dessailly qui illumine sa chambre, l’ambiance portée par cet espèce d’excitation de l’amour naissant sans la certitude que les choses se passent bien dans un maelström de complications. En plus, c’est avec Françoise Dorléac, qui était une merveilleuse comédienne. Inspirée. Vraiment, il n’y a rien à jeter. J’aime aussi beaucoup les grands films romantiques, comme La Sirène du Mississippi, un film très beau qui est l’un de ceux que je préfère ou Les Deux Anglaises et le Continent, un film magique et mystérieux. Chaque fois, Truffaut est amoureux des actrices et, donc, la caméra est amoureuse aussi. Ça se sent et ça passe dans le film. Sans oublier La Femme d’à côté. Ah! La femme d’à côté, c’est une merveille, ça! C’est vraiment un des plus beaux! La fille qui s’évanouit dans le garage, la propriétaire du tennis qui boite (j’ai beaucoup de sympathie pour le personnage, puisque je boite aussi actuellement!), les bateaux miniatures sur les petits bassins du côté de Grenoble, où des ingénieurs déclenchent des vagues artificielles. Ce sont de petites choses inimitables que j’aime bien. En fait, il y a toujours dans les films de Truffaut des moments uniques et des scènes admirables qui sont tellement lui, qu’on n’oublie pas et qu’on a envie de revoir et revoir. Les 400 Coups est un film exemplaire à cet égard, pour Léaud/Truffaut, et aussi parce qu’il montre la vie de quartier et la vie de famille de l’époque. Par exemple, le père engueule Antoine comme du poisson pourri parce qu’il a failli mettre le feu, avec son autel à Balzac. Deux minutes plus tard, il propose à sa femme d’aller au cinéma et ils emmènent Antoine. Lui bondit de joie. Moi, j’aurais boudé pendant deux jours! C’est comme avec Pialat : rechercher la vérité de l’instant, mais plus encore, la trouver. »

LES COMPROMIS CANNOIS
« Comme Pialat, Truffaut avait aussi des rapports un peu ambivalents avec Cannes, mais différemment. Sa première participation cannoise, bien sûr, fut Les 400 Coups [ndlr : en 1959]. Une année faste : l’arrivée sur la Croisette avec Jean-Pierre Léaud, tout gamin, la protection de Cocteau, le prix de la mise en scène. Après, Truffaut a fait partie du jury de la compétition officielle [ndlr : en 1962], mais ça s’est mal passé. Je ne sais plus qui était aussi au jury, mais ils ne se sont pas entendus. Le film qui a gagné la Palme d’Or a été La Parole donnée, qui était loin d’être le meilleur film de l’année. Il y avait d’autres films qui auraient pu gagner à ce moment-là, ce qui prouve que la décision du jury avait été, comme souvent, un compromis. Or Truffaut n’aimait pas les compromis. Il ne peut pas en avoir gardé un bon souvenir, lui qui était tout le contraire du compromis. Ensuite, il a présenté La Peau douce [ndlr : en 1964] en compétition. L’expérience s’est plutôt mal passée aussi, non pas d’un point de vue critique, mais le film n’ayant pas eu de prix, Truffaut en a conçu une certaine tristesse et peut-être même un ressentiment, je ne sais pas. Toujours est-il qu’il n’est venu ensuite à Cannes que hors compétition. Il n’y a rien eu à faire. La Nuit américaine, par exemple, était un film magnifique sur le cinéma : il aurait très bien pu gagner un prix mais il a été présenté hors compétition, donc ce n’était plus la même chose. »

UN CADEAU CÉLESTE
« Le souvenir le plus vif que j’ai de François, c’est quand il m’a proposé de diriger une collection chez Hatier, une maison d’édition de livres scolaires qui ne faisait pas du tout de livres de cinéma. Il les avait convaincus de créer une collection, la Bibliothèque du cinéma, qui a été largement diffusée. Il m’avait dit : “Il faut absolument que ce soit toi, avec ta connaissance du cinéma. Moi, je n’ai pas le temps, mais tu seras aidé par quelqu’un qui travaille déjà dans la maison, Marie de Poncheville, une éditrice.” Je l’ai rencontrée, une toute jeune femme, sublime de beauté. J’ai compris peu après qu’elle avait vécu neuf ans avec Truffaut et que c’était en quelque sorte son cadeau de rupture! Elle adorait le cinéma et la littérature, et on s’est très bien entendus, sous l’égide de Truffaut. De temps en temps, il nous téléphonait pour savoir comment ça allait, créant ainsi une sorte d’ombrelle, indulgente et protectrice, qui a permis à cette collection d’exister. J’en suis très fier. On a publié 50 livres, dont les mémoires d’Almendros, l’ouvrage somme de Tay Garnett et… la Correspondance de Truffaut! Le hasard fait bien les choses : c’est un peu comme s’il nous avait fait, sans le savoir, un cadeau… céleste! »

HOMMAGE CANNOIS
« J’ai vu Truffaut un peu, pendant la période de sa maladie — deux ans à peine —, comme je l’ai raconté dans La vie passera comme un rêve. J’ai encore la chair de poule, aujourd’hui, quand je pense à la dernière fois que je l’ai vu. C’était une rencontre où chacun savait qu’on ne se reverrait pas et ne le disait pas. Des moments affreux. François est mort en automne et, dès l’édition suivante de Cannes, j’ai fait venir tous ses acteurs et collaborateurs sur scène, aidé par Jeanne Moreau. C’était déchirant. Tout le monde était là. Un rond de lumière l’incarnait. Malheureusement, il ne reste qu’une photo de cet hommage parce que, idiotement, j’ai empêché la télévision de filmer, par respect pour les acteurs, en larmes. Je ne voulais pas que ce soit un spectacle. Avec le recul, le plus important aurait été de garder une archive, évidemment. C’est un regret pour moi, parce que ce n’est plus que dans le souvenir de ceux qui étaient là et qui disparaîtront à leur tour. À ses débuts, quand Truffaut parlait de Cannes, il n’y allait pas de main morte! Plus tard, il avait toujours des phrases très réservées sur Cannes mais il prenait soin de dire son estime pour moi, pour bien marquer qu’il y avait le Festival d’une part, et moi, de l’autre. Il a toujours eu cette délicatesse, cette amitié-là, ce soin de marquer la distinction. Si on lui avait prouvé son amitié, ou en tout cas son estime, par ces mille choses de la vie qui montrent que l’on peut faire un bout de chemin ensemble, après, c’était pour toujours. Par exemple, c’était le cas de son ami d’enfance Robert Lachenay, qu’il a beaucoup aidé, discrètement, élégamment. François était quelqu’un qui, quand il était critique, a dit ce qu’il pensait d’une manière exaltée. Mais en amitié, c’était à la vie, à la mort. »

TRUFFAUT, L’ÉTERNEL
« Gallimard a racheté les droits de la Correspondance, c’est donc entre leurs mains et celles des trois filles Truffaut, qui n’ont pas encore, pour l’instant, donné l’accord pour une réédition. Je pensais qu’elles prendraient en main un tel projet éventuel en enlevant certaines lettres, en en ajoutant d’autres, en changeant les notes. Je crois savoir que Laura Truffaut avait trouvé que l’appareil de notes était trop scolaire. C’est moi qui l’avais compilé et, en effet, je l’avais conçu comme pour un film américain, en expliquant dans le détail qui était qui au grand public. Évidemment, pour des cinéphiles, ça paraît superflu d’expliquer qui est Hitchcock, par exemple. Elle trouvait que c’était trop abondant. Personnellement, ça ne me dérangerait absolument pas qu’on bazarde tout ça et qu’on fasse autre chose. Ce serait bien en tout cas qu’il y ait bientôt une réédition. Une génération a passé et je pense que ce serait vraiment le moment de la ressortir, surtout s’il y a du renouvellement dans le contenu et un toilettage de l’appareil critique. Je suis sûr que cette Correspondance rafraîchie aurait un énorme succès, et pas seulement auprès des amoureux de Truffaut. Bien sûr, je ne crois pas qu’il y ait besoin de redécouvrir Truffaut, puisqu’il est éternel. Pas tellement parce qu’il a fait progresser l’écriture — c’est un cinéaste assez classique — mais davantage par une sensibilité cinématographique et une fragilité humaine qui font que les femmes l’adorent. Et, du coup, les hommes sont bien obligés de suivre. »

RÉFÉRENCES
Jacob, Gilles. La vie passera comme un rêve (Paris : Robert Laffont, 2009), 384 pages.
Truffaut, François. Correspondance. Lettres recueillies par Gilles Jacob et Claude de Givray. Notes et préface de Gilles Jacob. Avant-propos de Jean-Luc Godard. (Renens : Hatier/5 Continents, 1988).

(*) Une version plus courte de cette entrevue paraît dans Séquences (nº 292, pp. 17-19)

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