26 février 2015
Gett – Le Procès de Viviane Amsalem n’est pas uniquement un drame quelconque, le désespoir d’une femme dont le mari refuse le divorce; c’est aussi la métaphore d’une société israélienne faussement démocratique qui, vue de l’intérieur, ne semble pas avoir réglé certains problèmes de société, notamment en ce qui a trait à la condition des femmes.
Elle a le visage et le physique d’une grande tragédienne. On la verrait bien jouer du Euripide, du Sophocle ou du Eschyle. Viviane Amsalem n’est pas une femme comme les autres. Elle est toutes les femmes. Ici, elle prend les traits de Ronit Elkabetz. Comme comédienne, de film en film, celle-ci a appris à parfaire sa présence, son physique, sa démarche, son idiosyncrasie. Elle est en pleine forme, théâtrale, cinématograhique, silencieuse et dans le même temps entière, prenant son avenir en main comme s’il s’agissait d’une mission de foi. Tantôt, la chevelure lourde en noir ébène, altièrement portée, laisse place à un chignon qui adoucit ses moments de pure émotion, anesthésiant en quelque sorte la fiction, ne serait-ce que pour quelques instants.
Simon Akbarian, le visage totalement passif, ne jurant que par la volonté divine, confirme avec soin et naturel la particularité de son personnage. Et tous ces témoins ! Chacun fait son numéro devant la caméra; ils sont tous joliment épatants. Ronit et Shlomi leur donnent la possibilité d’extérioriser leurs pulsions intimes. Car après tout, Gett est aussi un film sur la direction d’acteurs, sur les raisons qui peuvent les pousser à rendre leurs personnages aussi crédibles que possible. C’est un film sur l’instinct, sur une méthode bien précise de se comporter devant la caméra.
Filmer l’émotion, le plus près possible. Se regarder en face, sans rien se cacher. Laisser à l’instinct et à l’instant le soin de guider notre comportement. Cela rend certaines situations drôles malgré la gravité du propos. Et le dernier plan, d’une sagesse religieuse à la limite de l’extase, nous rappelle à quel point nous sommes, comme par magie, près de la Jeanne d’Arc de Dreyer, de Fleming ou encore de Rossellini.
Elisha devra prononcer la phrase : « Et te voici permise à tout homme… ». Le fera-t-il ? C’est là l’un des moments les plus intenses du film, superbement mené par la musique de Dikla et Shaul Beser, évocatrice de celle de Georges Delerue dans Le Mépris. Drame intime, tragédie israélienne, fable politique, discours au féminin, sans doute, mais surtout et avant tout, Gett est un film porté par une extraordinaire envie de cinéma.
Genre : Drame social – Origine : Israël / France / Allemagne – Année : 2014 – Durée : 1 h 56 – Réal. : Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz – Int. : Ronit Elkabetz, Simon Abkarian, Menashe Noy, Sasson Gabai, Eli Gornstein, Keren Mor – Dist. / Contact : EyeSteelFilm.
Horaires: Cinéma du Parc – Cineplex – Excentris
CLASSIFICATION
Visa GÉNÉRAL
MISE AUX POINTS
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