8 février 2015
Les adaptations modernes des classiques du théâtre mondial laissent parfois indifférent, l’époque en question ne s’adaptant pas aux réalités d’aujourd’hui. Dans le cas du célèbre texte de Molière, l’adaptation de Michel Monty s’avère d’une précision aiguisée, au diapason avec le monde dans lequel nous vivons. Hypocrisie, opportunisme, égocentrisme incontrôlé, perte des valeurs éthiques et morales, inadaptation généralisée aux concepts de l’amour et du rapprochement. Tel est l’individu actuel, en proie à des dérives de plus en plus pernicieuses.
Une des façons de s’en sortir… sans doute par le rire. Sur ce point, Alceste est sans contredit le personnage le plus moral de ce Misanthrope version-TRV, d’une formidable force de conviction. Autour de lui, des individus apathiques, insensibles à tout ce qui se passe autour d’eux. Alceste, c’est la mise en perspective d’un monde qui s’écroule, d’une société qui ne sait pas où elle se dirige ; c’est aussi celui par qui la réflexion et la remise en question tente de se tailler une place dans le discours social. Si une telle possibilité existe encore. Le débat semble avoir disparu. Le monde autour du misanthrope, c’est une communauté de personnages qui s’inventent de toutes pièces, d’individus bercés par la richesse de la corruption morale et l’esprit narcissique ambiant.
Par sa mise en situations colorée, dynamique, donnant à la parole la place qu’elle mérite, et aux gestes les fluctuations du quotidien, les dépendances qui les dominent, Monty bouleverse l’ordre social en proposant une relecture du Molière. Le Misanthrope, transposé à l’heure actuelle, dans un loft moderne du Vieux-Montréal, correspond à notre idiosyncrasie collective, notre fausse perception du monde et particulièrement à notre faiblesse et impuissance devant l’absence de valeurs.
Su ce point, Le Misanthrope est une réussite. Alerte, illuminée, synchronisée au temps qui l’habite, la pièce de Molière reçoit ici un lifting totalement subliminal, sans rides, sans aspérités, permettant au temps présent de se voir intelligemment et sans complexes devant un miroir réprobateur.
Et bien entendu, sur scène, François Papineau se donnent corps et surtout âme dans une rôle de composition qui lui permet d’enrichir encore plus son registre, déjà impressionnant.
COMÉDIE DRAMATIQUE
Auteur : Molière – Mise en scène : Michel Monty – Scénographie : Olivier Landreville – Éclairages :Martin Siroix – Musique : Jean-François Pedno – Costumes : Sylvain Genois – Comédiens : François Papineau (Alceste), Bénédicte Décary (Célimène), Luc Bourgeois (Acaste), Catherine de Léan (Éliante), Stéphane Jacques (Oronte), Frédéric Pierre (Clitandre), Mathieu Richard (Basque), David Savard (Philinte), Isabelle Vincent (Arsinoé) | Durée : 1 h 40 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 28 février 2015 – Théâtre du Rideau Vert.
MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) ★ (Mauvais) ½ (Entre-deux-cotes)
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