29 mai 2015
Le soir de la première du spectacle annuel de l’ÉNC (École nationale de cirque), Les Étinceleurs nous a ravis, tant sur le plan de la variété des numéros que sur le choix musical, vivant, dynamique, à un rythme d’enfer, provoquant le délire dans la salle.
Johanne Madore s’est surpassé dans la conception du spectacle. Ça tient de l’art circassien, bien entendu, mais évoque aussi le cabaret à grands déploiement et la danse moderne. C’est sensuel, sexy, attrayant, diaboliquement ensorcelant. Les artistes, aux formes impeccables, usent de leurs corps comme si le mouvement devenait une seconde nature. Des petites erreurs, oui, mais prises avec un grain de sel, avec sincérité. Nous réagissons avec la même candeur par pur instinct.
Tandis que les solos revendiquent leur supériorité bien fondée, pour notre grand plaisir d’ailleurs, les ensembles croient fermement en l’harmonie du travail d’équipe. La mise en scène est saisie par un enthousiasme délirant, ne cédant jamais à la facilité, tenant ses promesses.
Le thème de la soirée : l’émerveillement de l’enfant devant la découverte du monde. Sur ce point, les numéros ne semblaient pas vraiment correspondre à la voix off. À moins que quelque chose ne nous échappe dans la signification des métaphores proposées. Et comme d’habitude, corde lisse, cerceau, duos à main, fil de fer et autres sangles aériennes s’entendent pour produire un spectacle sonore et visuel d’une éblouissante originalité.
C’est à l’œuvre de J. S. Bach que la conceptrice Hélène Blackburn consacre L’Art de la fugue. Bon choix mélodieux mais qui, vers la moitié du spectacle, finit par être redondant. Le cirque est un moyen d’expression artistique où le rythme musical doit être constamment sur le qui-vive, prenant soin de ne pas compromettre l’adhésion des spectateurs.
Ce qui n’empêche pas que la mise en piste de Blackburn, plus simple que celle de Madore, joue justement la carte de la fugue, cette forme musicale où différentes parties reprennent (ici, presque) le même motif. Pris sur cet angle d’approche, on se laissera amadouer par la proposition de la conceptrice, sommant le spectateur à un regard plus réfléchi, le poussant à reconnaître les préceptes dictés par cette forme de spectacle et le parti pris musical.
Les cubes des Étinceleurs sont remplacés dans L’Art de la fugue par des chaises aussi minuscules que de taille normale. Dans les deux cas, les artistes s’en servent comme pour placer l’Humain dans un concon d’où il aspire à sortir. Sur ce point, les deux propositions promettent des visions libératrices du monde. Le trapèze ballant côtoie avec courage la corde lisse ; le trapèze danse et la roue Cyr s’unissent au diapason avec les thèmes abordés, la chaise acrobatique et le trapèze fixe mobilisent notre attention.
Belle année en perspective pour une école dédiée à l’art du mouvement. Totalement cirque.
Représentations : En alternance jusqu’au 7 juin 2015, à la TOHU.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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