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Métamorphoses. Dans le secret de l’atelier de Rodin

29 mai 2015

LE CORPS FRAGMENTÉ

Élie Castiel
EXPOSITION
★★★★★

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Adam — pour La Porte de l’Enfer. Bronze, 1881 (PHOTO : © George Georgis)

Déjà, le titre de l’exposition convoque à l’expérimentation, sommant le visiteur à devenir le complice du maître en cherchant à comprendre le processus de création de chacune des sculptures présentées. Du point de vue du regard, le 360º s’impose par défaut si on saisit bien l’approche fragmentée de Rodin. De chaque angle, surgit une idée bien précise, une déconstruction et une mise en perspective du corps. C’est clinique, absorbant et loin d’être glacial, d’une humanité déconcertante qui se permet de prendre ses distances avec l’émotion gratuite.

Mais ce corps morcelé opère un sens si l’artiste en question en fait jaillir la dimension primaire. Comme si le matériel de l’être vivant émanait de la roche, de la nature donc, poussant la métaphore jusqu’au début des temps.

Car Métamorphoses. Dans l’atelier de Rodin, le concret est intemporel, jouant avec la notion de durée comme si le temps s’était soudainement arrêté. En somme, c’est avant tout du voyage dans la sphère de la création qu’il s’agit. Il faut suivre très lentement les objets disposés dans une mise en scène hautement imaginative aussi bien que complexe et d’une logique impitoyable. Contempler les formes, se laisser guider par notre sens de l’art, de la beauté éternelle, là où l’éphémère n’a plus de place. Rodin, c’est aussi un rendez-vous avec la modernité, ses revendications, ses parti pris, ses indiscrétions.

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Avarice et la luxure — pour La Porte de l’Enfer. Marbre, 1887 (PHOTO : © George Georgis)

Les sculptures de l’artiste sont en fait des propositions narratives qui se créent le plus souvent par impulsion, par mécanique improvisée d’une précision soutenue. L’Homme en question puise ses sources à partir de L’Enfer, première partie de La Divine Comédie de Dante. Dieu, le Diable, les portes de l’Enfer sont convoqués, situant Rodin dans le cercle restreint des sculpteurs-penseurs de son temps.

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Bras droit de la Muse Whistler. Plâtre, 1909 (PHOTO : © George Georgis)

Même si parfois la période hellénistique, directe, là où règne l’harmonie, se pointe à l’horizon. Des Grecs qui ont privilégié le «corps idéalisé», Rodin en retire le «corps vulnérable», tout en privilégiant sa force brute, sa concrète énergie, sa supériorité animale et primaire.

L’originalité de l’exposition réside dans sa mise en place, ses divers salons admirablement construits, de façon à nourrir notre esprit et à en libérer sa substance la plus analytique. Il en résulte une sorte de discours sur la représentation que Métamorphoses propose. L’importance de l’espace muséal prend ainsi une dimension considérable.

Ancien de l’École nationale de cirque, le jeune Jimmy Gonzalez propose un numéro entre la chorégraphie et l’art de la jongle qui saisit notre adhésion. Avec des balles d’argile, il conduit le corps vers des dimensions surréalistes. Rodin l’inspire, lui sert de guide pour créer le mouvement et répartir le « physique » dans un espace restreint. Le segment que nous avons eu l’occasion de voir lors de la Conférence de presse nous a séduit. Physionomie parfaite. Rapport complice à l’escape scénique. D’une sensualité à fleur de peau.

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Jimmy Gonzalez en performance (PHOTO : © Musée des beaux-arts de Montréal)

C’est à une exposition hors du commun que nous convie le Musée des beaux-arts de Montréal. Une façon comme un autre de pousser le visiteur à dépasser sa notion du regard.

Entre autres, des Conférences, un volet Cinéma et des Visites guidées sont à l’ordre du jour pendant toute la durée de l’exposition. Au Musée des Beaux Arts de Montréal (MBA), jusqu’au 18 octobre 2015.

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ]

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