18 mai 2015
Peu d’artistes ont aussi complètement inventé leur langage cinématographique que Peter Greenaway ou dévoilé le corps masculin d’une manière aussi flagrante. Avec Eisenstein in Guanajuato, le truculent cinéaste de The Cook, The Thief, His Wife & Her Lover (Le Cuisinier, le Voleur, sa femme et son amant) louvoie à nouveau entre les rives du sexe et de la mort, dont les périlleux méandres changèrent à jamais le propos et l’œuvre du réalisateur soviétique.
Quelle est votre attirance pour les thèmes d’Éros et de Thanatos ?
C’est un thème de la Grèce antique. Les Grecs pensaient que toute notre vie se partage entre notre commencement et notre fin. Moi, j’ai quatre enfants et je suis très conscient de la conception de chacun d’entre eux. C’est extraordinaire, c’est le moment le plus important de notre vie, mais nous en savons si peu.
Votre œuvre cinématographique dans son ensemble est une interaction entre Éros et Thanatos.
J’ai toujours filmé cela, même aussi loin que The Draughtman’s Contract (1982). Dans l’essence, c’était la même chose. Si vous regardez les 10 derniers films que vous avez vus, je parie que quelqu’un a été tué et que quelqu’un baisait. Éros et Thanatos sont essentiels à tout le cinéma. Mais c’est également vrai de tout l’art occidental, de toute notre culture. Notre commencement et notre fin, qui nous sont inconnus, hors d’atteinte, sont ce qui nous fascine le plus. Nous utilisons les acteurs et actrices comme nos émissaires pour explorer ce territoire où nous ne pouvons aller nous-mêmes. Dès lors que nous employons des acteurs et actrices, nous leur demandons de baiser et de mourir. C’est le contrat que nous passons avec eux et cela a toujours été comme cela depuis les débuts du cinéma.
Il y a beaucoup de baise dans vos films mais rarement de baiser.
Je parle rarement d’amour parce que c’est une proposition très éphémère et discutable. Cela n’a ni la physicalité d’un corps qui baise ou d’un corps qui meurt. Il y a une vérité qui demeure au sein d’Éros et de Thanatos, et cela, peu importe que vous soyez un aborigène ou que vous veniez de l’East End. C’est vrai pour tout le monde. Mais l’amour, lui, change selon la culture où vous vous trouvez (…). La plupart des gens dans le monde ne sont pas à même de choisir leur partenaire sexuel. Si vous pensez à tous les Chinois, tous les Indiens, les gens du Moyen-Orient… Nous sommes extraordinairement privilégiés en tant qu’Européens d’avoir ce choix. Statistiquement, vous allez tomber amoureux deux fois et demie dans votre vie. La demie, c’est à cause de ceux qui sont chanceux au point de tomber amoureux trois fois. Mais si vous avez le droit le tomber amoureux deux fois et demie, c’est plutôt éphémère, non ?
Texte complet : Séquences (nº 296, p. 6-9)
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