15 juin 2015
Si d’une part, l’adaptation au grand écran du roman de Mordecai Richler s’avérait touchante et dressait un portrait assez juste d’un certain type de personnage de l’époque, la version théâtrale au Centre Segal reprend respectueusement les éléments de base du roman pour accéder à une version musicale, certes restreinte dans les thèmes abordés, discipline oblige, mais à partir de laquelle le protagoniste principal s’en tire avec tous les honneurs.
Belle voix, accueillante, vibrante, rejoignant le grand public, prononciation articulée, beau mec, physique loin d’être ingrat et, en fin de compte, comédien tout à fait honnête, franc et d’une candeur étonnante. C’est ainsi que se présente Ken James Steawart, s’appropriant du rôle de Duddy, celui pour qui le passage à l’âge adulte passe par la réussite sociale, un certain pouvoir économique et la possession d’un lopin de terre, sans aucun doute, même un peu plus.
Le regard de Richler est à la fois acerbe et poignant, drôle et cynique, réaliste et critique. Pour certains égratignant ; mais à y voir de près, il s’agit là du miroir d’une réalité urbaine de l’époque où l’ambition, contrairement à aujourd’hui, préservait tout de même un semblant d’humanité. Cette particularité est constamment maintenue dans les paroles et livret de David Spencer et la musique d’Alan Menken, dont les tonalités rejoignent les plus beaux moments du répertoire Broadway.
Fidèle à sa tradition depuis des années, le Centre Segal est devenue l’endroit de référence du théâtre anglophone montréalais dans le domaine musical. La proximité de la scène avec les spectacteurs priviégie le contact intime, rendant l’expérience encore plus saisissante. Les décors de Michael Eagan attirent l’œil par leur simplicité. Idem pour ses costumes, proches de l’époque, fin des années 1940.
Mais il faut se poser la question : The Apprenticeship of Duddy Kravitz est-il adaptable pour la scène ? Sans doute que non, sauf que si les concepteurs réussissent à créer un univers singulier qui ferait ressortir les moments cruciaux du récit, et le font avec toute la bonne foi du monde, efficacement, sans se poser trop de question, on peut finir par croire que le pari est gagné.
Finalement, les neuf comédiens–chanteurs qui entourent Stewart sont unis par ce lien qui existe entre l’art de la séduction par le geste et la voix et cette étape essentielle qui consiste à se retrouver en même temps parmi le commun des mortels. Sur ce point, Duddy Kravitz: The Musical est une petite perle lyrique tout à fait recommandable.
Auteure : David Spencer, d’après le roman The Apprenticeship of Duddy Kravitz, de Mordecai Richler – Mise en scène : Austin Pendleton – Décors / Costumes : Michael Eagan – Éclairages : Luc Prairie – Paroles / Musique : Alan Menkel – Direction musicale : Jonathan Monro – Comédiens : Ken James Stewart, George Masswohi, Marie-Pierre de Brienne, Howard Jerome, Adrian Marchiuk, Victor A. Young, David Coomber, Sam Rosenthal, Michael Rudder, Kristian Truelsen | Durée : 2 h 45 approx. (incluant 1 entracte) – Représentations : Jusqu’au 5 juillet 2015 – Centre Segal.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ]
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