12 juin 2015
Défigurée par une explosion, Nelly, survivante du camp d’Auschwitz, doit subir une chirurgie reconstructrice. Devenue méconnaissable après l’opération, elle s’installe à Berlin. Dans une ville détruite par les bombardements, Nelly part à la recherche de son mari, Johnny.
Après le vertigineux Barbara, réalisé il y a trois ans, Christian Petzold continue son évocation du rapport à la douleur en illustrant à nouveau les stigmates laissés par l’histoire de son pays. Dans ce précédent film – qui mettait déjà en vedette Nina Hoss et Ronald Zehrfeld – il nous proposait de partager la fuite en avant d’une jeune infirmière tentant de gagner l’Ouest. Ici, il élabore une histoire d’amour dans laquelle un futur idéalisé devient l’essence même de l’abandon et, par le fait même, du mensonge. Placé dans l’immédiat après-guerre – une période qui restera à jamais douloureuse dans la psyché allemande –, Phoenix dresse le portrait d’êtres marqués tout en tissant une toile collective sur les ravages de l’Holocauste. Nelly (Hoss) refuse l’idée de l’anéantissement de son amour, elle aime Johnny (Zehrfeld) son ex-mari qui n’hésite pas à la trahir pour des raisons financières. Entre eux, une image défigurée du passé et Lene (Nina Kurzendorf), une amie dont les espoirs de construire un avenir dans un état juif autonome se retrouveront anéantis.
Par son utilisation d’espaces restreints, ceux des appartements ou des décors de ruines encore fumantes, la réalisation minutieuse de Petzold parvient à rendre encore plus étouffante une intrigue hautement symbolique. La structure narrative élaborée par paliers successifs fait évoluer le drame intime de Nelly vers un abandon total dans les promesses d’un avenir enfin possible. Faisant un trait sur son idéal amoureux, cette femme se lance alors dans une reconstruction progressive qui prend aussi l’apparence d’une renaissance collective de tout un pays qui laisse derrière lui l’innocence irrémédiablement détruite par les horreurs de la guerre. « Love is pure gold and time’s a thief » dit la chanson Speak Low de Kurt Weill, reprise dans une scène finale marquant avec une étonnante simplicité le début d’une autre histoire, celle de Nelly, celle de l’Allemagne tout entière.
Mais si le temps passe et si le phœnix renaîtra bien de ses cendres, les cicatrices, elles, resteront à jamais, comme le numéro tatoué sur l’avant-bras de Nelly et de millions d’autres. Avec Phoenix, brillante histoire de reconstruction collective, Christian Petzold confirme sans l’ombre d’un doute qu’il est l’un des grands cinéastes européens en activité.
Genre : Drame psychologique – Origine : Allemagne / Pologne – Année : 2015 – Durée : 1 h 38 – Réal. Christian Petzold – Int. : Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Nina Kunzendorf, Imogen Kogge, Michael Maertens, Uwe Preuss – Dist. / Contact : EyeSteelFilm.
Horaires : @ Cinéma du Parc – Cineplex – Excentris
CLASSIFICATION
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