En salle

Tangerine

30 juillet 2015

RÉSUMÉ SUCCINCT
À la veille de Noël, à Los Angeles, Sin-Dee, récemment sortie de prison après une peine de 28 jours, apprend par sa meilleure amie que son souteneur et amant lui a été infidèle. Réagissant vivement, la transsexuelle part sans hésiter à sa poursuite à travers la ville.

Tangerine

LA NUIT TRAVESTIE

Élie Castiel
CRITIQUE
★★★★

Une surprise de taille que celle de Tangerine, sorti cette semaine sans tambour ni trompette et surtout et avant tout, tourné sur iphone de façon sublime. Magnifique habileté technique manipulée par Sean Baker (Prince of Broaday, 2008), le réalisateur lui-même, assisté de Radium Chang (première incursion dans le cinéma de long métrage pour le grand écran). Le résultat est sensationnel, donnant à chaque image une impression éthérée qui se glisse dans notre peau, s’empare de notre for intérieur et nous laisse perplexe après la projection.

Los Angeles nocturne (et parfois diurne), dans un des quartiers chauds, ce sont les travestis, les transexuels, les prostitué.es, les laissés-pour-compte, les oubliés de la société, les marginaux aussi excentriques que fous et admirables. Mais aussi les flics, les passants qui ne font plus attention aux débordements imprévus. Tangerine (quel joli titre !), c’est surtout une envolée nocturne au royaume de l’audace, du je-m’en-foutisme, du bordélique et de l’interdit.

C’est trash, évoque John Waters à son
plus jouissivement arrogant, le Gus Van
Sant de Mala noche et tous ces films indie
qui ont tout à se reprocher, mais l’assument
avec une ardente et farouche détermination.

Et dans ce milieu, un chauffeur de taxi hyper masculin, un Arménien (mal)marié et qui a des problèmes à assumer sa sexualité. Oui, en 2015, ça existe encore… pourquoi pas ? Et il préfère faire des pipes aux she-males ambulantes, plutôt que de… Une des scènes les plus osées et brillantes du film.

Le masculin et le féminin se dérobent pour laisser la place à une revendication de sa propre indentité. Les transgenres Mya Taylor et Kitana Kiki Rodriguez sont imbattables ; la première cool, sereine, d’une logique désarmante ; la seconde secouée par une histoire d’amour aussi banale que délirante à en mourir mais, qui dans ce qu’elle a de plus absurde, sert de catalyseur à une performance endiablée de la Kiki. Souveraine, sublime, son visage évite le plus souvent l’objectif filmique qui, mine de rien, s’amuse à la surprendre. Son refus d’ignorer la caméra est justement ce qui donne au film son hégémonie narrative.

Et derrière tous ces déhanchements provocateurs, ces one-liners extraordinaires à la sauce camp, ces extravagances sans retenue, un regard discret sur les communautés ethniques homophobes, qui n’ont rien changé à leur attitude quant aux diverses manifestations de la sexualité.

C’est trash, évoque John Waters à son plus jouissevement arrogant, le Gus Van Sant de Mala noche et tous ces films indie qui ont tout à se reprocher, mais l’assument avec une ardente et farouche détermination.

Mais c’est aussi un film queer déchirant, d’une émotion palpable, surtout lorsque l’œil du support technique capte un visage en détresse sans s’annoncer, sans crier gare, à l’improviste.

Sean Baker a réalisé l’un des plus beaux films de l’année. Une surprise étonnante filmée dans un cinémascope triomphant qui donne au cadre, au plan et à l’espace leurs titres de noblesse. Et dire que c’est fait avec un des supports reliés aux nouvelles technologies. Le 21e siècle affirme son cinéma avec une grâce incandescente, une puissance d’évocation et un étonnement soutenus.

revuesequences.org

Sortie :  Vendredi 31 juillet 2015
Version originale :  anglais, arménien, espagnol
Sous-titres : anglais

Genre :  Drame de milieu  – Origine :   États-Unis  – Année :  2015 – Durée :  1 h 28  – Réal. : Sean Baker –  Int. : Kitana Kiki Rodriguez, Mia Taylor, Karen Karagulian, Mickey O’Hagan, James Ransone, Alla Tumarinian –  Dist. / Contact :  VSC.
Horaires :  @ Cineplex

CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans
(Langage vulgaire)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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