4 août 2015
La pertinence du festival Présence autochtone n’est plus à démontrer. Pourtant, cette année peut-être plus que jamais, il semble indispensable de laisser aux peuples de Premières Nations l’espace médiatique que leurs créations méritent. Musiques, traditions orales, arts ancestraux ; l’apport des peuples autochtones sur notre culture est encore à foisonnant et mérite d’être découvert. Dès les années 50 et les films de l’ONF sur les peuples inuits, le cinéma s’est emparé de ces cultures, a embrassé leurs revendications et leurs modes de vie, tout en révélant de profondes blessures, souvent enfouies dans une histoire généralement peu glorieuse.
Pour sa 25e édition, le festival présentait une fois de plus un programme films et vidéos de très haute tenue, composé de films venant principalement du continent américain. Parmi ceux-ci, quatre longs métrages québécois et canadiens nous transportaient dans les régions polaires, à la rencontre de personnages forts, de lieux splendides – même si le climat les rend peu hospitaliers – habité de gens chaleureux et marqués par des traditions encore bien vivantes, malgré plusieurs décisions gouvernementales incompréhensibles.
Primé aux derniers RIDM, SOL de Marie-Hélène Cousineau et Susan Avingaq nous présente Solomon Tapatsiaq Uyarasuk, artiste multidisciplinaire inuit et tente de faire la lumière sur les raisons de sa mort survenue dans des conditions nébuleuses alors qu’il était incarcéré dans une prison fédérale. Entre les silences des porte-paroles des institutions gouvernementales et la douleur des témoignages de proches du défunt, Cousineau et Avingaq dressent le portrait d’une communauté en proie aux problèmes économiques et sociaux, en plus de voir leurs racines sans cesse remises en cause. Le décès de Solomon était aussi brièvement évoqué dans le film américain Circus Without Borders de Susan Gray et Linda Matchan, dans lequel deux compagnies de cirque, l’une au Nunavut, l’autre en Guinée-Conakry, amènent des jeunes à surmonter les limites que la géographie et l’histoire ont dressées sur la route de leur épanouissement. Présentée lors de la soirée d’ouverture, cette œuvre inspirante invite le spectateur au dépassement de soi et montre qu’avec courage et conviction, et beaucoup d’entraînement très physique, on peut repousser les limites de sa propre condition.
Repousser les limites, dans le cas de Ruth, Rhoda et Elisapie, c’est retourner sur les lieux d’un drame 70 ans plus tard pour pleurer une dernière fois leurs morts. Ce retour aux sources d’une blessure jamais refermée était au cœur du touchant second long métrage de Christian M. Fournier, Nallua, que le festival a eu la bonne idée de programmer en première mondiale, devant une salle pleine et enthousiaste.
Dernier film de notre rapide tour d’horizon du cinéma inuit proposé cette année par Présence autochtone, Le rêve d’Okpik (Okpik’s Dream) de la montréalaise d’adoption Laura Rietveld. Sans contredit notre coup de cœur1, voilà une ode lumineuse à la ténacité d’Harry Sam Willy Okpik, personnage hautement attachant qui, après avoir vécu plusieurs drames personnels, s’est rebâti une vie autour d’un rêve fou : reprendre l’élevage des huskys et concourir lors de la célèbre course annuelle Ivakkak faite de 600km de pistes gelées traversant l’Arctique québécois. Si la résilience portait un nom, ce serait certainement celui d’Harry Okpik. Le jury du festival lui a très justement accordé le grand prix Rigoberta Menchu 2015.
À l’an prochain pour de nouvelles images autochtones !
1 Il s’agit du coup de cœur personnel du signataire, puisque le Prix Séquences a été remis à Café, du mexicain Hatuey Viveros Lavielle. Notre collègue Luc Chaput vous en parlera plus en détail dans un autre article.
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