22 octobre 2015
Deux noms, Pierre-Paul Savoie et Jeff Hall. Dénominateur commun : chorégraphes modernes. Proposition : réinventer l’art du mouvement. Pour le duo, situer l’œuvre mythique qu’est Bagne dans sa contemporanéité, c’est aussi la déconstruire pour lui donner une nouvelle caractéristique postmoderne, libre, aérée, éloignée des dogmes et des préjugés purement esthétiques. C’est aussi valoriser le corps masculin et ses multiples transformations. Mais dans le même temps, c’est assurer à Bagne une sorte de perennité, non pas romantique ou nostalgique, mais plutôt pour la situer dans une nouvelle ère de la danse moderne, une période qui ne classifie plus, laissant libre cours aux chorégraphes de créer à cœur ouvert.
La chorégraphie de Bagne Re-création (cette fois-ci pour hommes, 22 ans après sa version féminine composée de Sarah Williams et Carole Courtois) est athlétique et se confond dans les méandres occultes du cirque et du théâtre. La danse est plus corporelle, physique, voire même métaphysique car elle entraîne chez le spectateur une sorte de complicité qui a pour qualificatif : partage émotionnel et immersif. Car Bagne recréé est avant tout une expérience sensorielle où le corps humain rejoint son côté animal, se confond en lui et après quelques mouvements de va-et-vient tantôt agressifs, tantôt sinueux, reprend sa forme initiale.
Deux danseurs, Lael Stellick et Milan Panet-Gigon, des frères, des ennemis, des prisonniers, des amants, des amoureux, des bêtes de scène, de véritables champions aériens qui ne pensent pas le corps, mais l’apprivoisent, lui donnent une nouvelle signification diégétique loin de la terrestre, éthérée, qu’on devine par association. Mais pour rendre ce duo plausible, une conception sonore qui, entre les mains de Bernard Falaise, multiplie les possibilités, se juxtaposant aux mouvements des danseurs, jetant sur eux un parfum jouissivement aphrodisiaque, ou du moins se situant entre l’attrait, le rejet et le désir.
Côté scénographique, le métal est omniprésent, scindant la rage et le désespoir en leur administrant une dose d’étrange et fugace humanité. L’univers pénitencier est intransigeant, sans vergogne, homoérotique, lancinant. De la gravité des situations, émanent pourtant une sensualité marginale, bestiale et sexuelle qui oscille entre le plaisir de transgresser l’instant et celui de se libérer et de fuir.
C’est tout cela Bagne Re-création. Le corps masculin n’est plus interdit. Il reprend ses droits fondamentaux, se permet le rapprochement à l’autre, pour finalement se situer dans son présent ultérieur, quel que soit le poids évanescent qu’il possède.
BAGNE RE-CRÉATION | Conception / Mise en scène / Chorégraphie : Jeff Hall, Pierre-Paul Savoie – Int. / Danseurs : Lael Stellick, Milan Panet-Gigon – Musique / Conception sonore : Bernard Falaise – Scénographie : Bernard Lagacé – Éclairages : Marc Parent – Costumes : Linda Brunelle – Conseiller dramaturgique : Guy Cools – Production : Danse Danse | Durée : 1 h (sans entracte) – Représentations : Du 22 au 24 et du 28 au 31 octobre 2015 / 20 h – Place des Arts (Cinquième salle).
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