16 octobre 2015
Genre risqué, la fiction biographique se heurte souvent à des écueils irréversibles pouvant provoquer soit l’indifférence et parfois même l’ennui. Avant d’aller voir Steve Jobs de Danny Boyle, ne sommes-nous pas en droit de nous poser la question sur la pertinence d’un tel sujet, traité quatre ans à peine après la mort de Jobs ? Néanmoins, Aaron Sorkin n’avait-il pas scénarisé The Social Network (2010) portrait saisissant du cofondateur de Facebook, le toujours ascendant Mark Zuckerberg ? Toujours est-il que temps obligent, les personnalités publiques sont devenues des sujets bancables au cinéma, particulièrement à Hollywood. Dans les deux cas, le Fincher et le Boyle sont des adaptations de biographies écrites sur deux icônes de la culture technologique populaire et, par défaut, du système économique capitaliste de plus en plus prisé. Bien plus qu’avant, le public est aujourd’hui incapable de retenir sa curiosité sur la vie privée de ces barons des transformations socio-technologiques. À l’instar du Social Network, la nouveau Danny Boyle est bavard, trop bavard, au point où on se perd parfois dans cet éventail de flashbacks dans le temps, soigneusement juxtaposés au temps réel de la fiction.
C’est un choix de mise en scène, un parti pris esthétique que Boyle manipule avec une dextérité étonnante. Après la projection, nous sommes ébranlés devant cet exercice de haute voltige qui ne cesse de se construire et se déconstruire, pour se créer de nouveau. Boyle invente une nouvelle approche de la biographie en soumettant le sujet à son image. Il est peut-être trop tôt pour le digérer, pour comprendre l’impact que cette approche aura sur les futurs récits biographiques fictionnels.
Les origines germano-syriennes de Steve Jobs auraient-elles eu un impact sur sa personnalité ambitieuse sans limites ou celle-ci n’est-elle pas le résultat d’un capitalisme centrée sur la réussite personnelle ? La réponse à ces questions se cachent dans la mise en scène de Danny Boyle, dans sa tentative de ne prendre qu’une partie de la vie (privée et professionnelle) du cofondateur de Apple. Ses présentations de chacune des nouvelles applications ressemblent à des concerts de musique rock, son auditoire est formé principalent de jeunes (et plus que nous le croyons, de moins jeunes) de la tech-generation qui ne jure que par le virtuel.
Car Steve Jobs, au-delà du portrait d’un personnage énigmatique et complexe, est aussi un regard sur l’Amérique, sur ses doutes et ses folies, ses manques de repères affectifs au profit de la création, de cette incontrôlable impulsion à refaire le monde. Boyle en est conscient et nul doute adhérent. C’est pour cette raison qu’il présente son film comme un accord musical en plusieurs mouvements. C’est grandiose, superlatif, égocentrique, instransigeant, mais visant le monde d’aujourd’hui par le (très) grand bout de la lorgnette.
Quant aux interprètes, tous, sans exceptions, s’avèrent magnifiques. Sans oublier Michael Fassbender, l’un des plus charismatiques et des plus versatiles de sa génération. Son Steve Jobs restera longtemps dans notre mémoire.
Genre : Drame biographique – Origine : États-Unis – Année : 2015 – Durée : 2 h 02 – Réal. : Danny Boyle – Int. : Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogan, Sarah Snook, Jeff Daniels, Katherine Waterston, Michael Stuhlbarg – Dist. / Contact : Universal.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
GÉNÉRAL
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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