18 décembre 2015
Nous avons été séduits, émus, transportés par tant d’humanité qui baigne dans Hôtel La Louisiane, le premier long métrage documentaire de Michel La Veaux, perspicace directeur photo de plus d’une quarantaine de films, dont Le Vendeur et Le Démantelement, tous deux de Sébastien Pilote, demeurent des exemples édifiants. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous raconte sa propre odyssée à l’intérieur d’un endroit parisien mythique, hors du temps, préservé comme par miracle. Nous vous proposons ici une mince partie de l’entrevue, question de vous donner l’eau à la bouche afin de vous faire découvrir un documentaire tout à fait singulier.
L’hôtel en question ressemble à un îlot, à l’abri de toute intrusion. L’idée de tourner en ce lieu était sans doute lié à votre première impression.
Absolument. En fait, j’ai vu cet endroit comme une sorte d’îlot de résistance lorsque j’ai rencontré les premiers intervenants du film. Parce qu’effectivement ce lieu de passage se trouve dans un quartier, le nouveau Saint-Germain-des-Prés, aujourd’hui très cher pour les petites bourses ; et pourtant l’hôtel préserve son côté archaïque, son attribut 2 étoiles, et résiste donc au temps et à tout ce qui est autour. Il continue de fonctionner à la manière de l’après-guerre. En fait, ce lieu de repos ressemble à un navire, un bateau ivre qui avance dans le temps, , contre vents et marées, ne cédant pas à toutes les nouvelles tendances des dernières décennies. Et c’est ce rapport privilégié avec la notion abstraite de la durée qui m’a le plus intéressé et captivé. À l’intérieur même de l’établissement, sa minuscule réception, ses chambres monacales, ses couloirs étroits mais accueillants, il y a effectivement une abri contre les intempéries sociales, politiques et économiques de l’extérieur. La Louisiane ressemble à un revenant du passé, laissé là, par hasard, mais dont personne n’ose s’en défaire.
Mais en même temps, c’est le lieu où je me sens appartenir au monde. C’est cela qui est incroyable ; et bizarrement, je suis arrivé là par erreur, après un tournage à La Scala de Milan. J’ai voulu m’arrêter quelques jours à Paris. Les hôtels étaient pleins, et on m’a gentiment conseillé un endroit plus intime, moins cher, mais à seulement 2 étoiles. En y arrivant, je fus totalement conquis par cet espace humain, sensuel, charnel, au diapason de sa propre époque, c’est-à-dire d’un autre temps. Ce dialogue avec l’Histoire m’a séduit. J’ai donc décidé d’y rester. Avec le temps, je me suis demandé quelle clientèle avait fréquenté ce lieu et quels sont les nouveaux qui ont en fait leur endroit privilégié. C’est à partir de cette réflexion qu’est née l’idée du film. Ce jour là, lors de ma première visiste, il y a eu Monica qui m’accueille à la réception. Une dame que je ne connaissais pas. Simplement le rapport chaleureux immédiat m’a conquis. Le climat d’affection vous pousse à y rester, comme si on visitait un parent quelque part à la campagne, loin des foules. Et pourtant, à l’extérieur, tout grouille, les passants sont pressés, Paris circule et vibre. Et c’est ce lien à la fois affectueux et organique entre la réalité et la quiétude qui m’a bouleversé…
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.