10 décembre 2015
Avec Pinocchio, André-Line Beauparlant complète un triptyque familial commencé en 2001 avec Trois Princesses pour Roland, une œuvre touchante traitant de la survivance après le suicide, puis continué en 2004 avec Le Petit Jésus, dans lequel la cinéaste nous donnait déjà un troublant aperçu du côté indéfinissable de la personnalité de son frère Éric. Dans cette œuvre d’une rare sensibilité cherchant dans la mort d’un petit frère handicapé mental et physique les racines d’une famille marquée, Éric dit « Pinocchio » livrait par bribes des indices sur sa dualité et sur une vie construite de toute pièce, comme pour mieux échapper à une réalité trop lourde à porter.
André-Line Beauparlant a donc fait de son frère le point central d’une interrogation ouverte sur le mensonge, sur cette inventivité que seul l’être humain est capable de déployer pour s’inventer une vie idéalisée, loin des problèmes et de contraintes. Qui est-il ce frère qui se dit navigateur ? Pourquoi se retrouve-t-il interné dans une prison brésilienne? Quelle importance accorder à ce témoignage troublant, et peut-être aussi totalement mensonger, d’un mystérieux canadien mandaté par l’Ambassade ?
Ne cherchant pas de réponses, comme pour mieux témoigner du désarroi de la cinéaste, impuissante à révéler les mystères enfouis dans la vie de son frère, Pinocchio se déploie aux confins du documentaire familial et d’une tentative plus vaste de comprendre les origines de l’enfermement psychologique dont est victime (ou héros ?) son frère. Bâti sur un schéma narratif non linéaire, ce road movie initiatique se transporte en Amérique du Sud – lieu hautement évocateur – à sur la trace de cet homme qui mène son petit monde en bateau. Une arche fictive que bien entendu nous ne verrons jamais. Filmé la manière d’une enquête policière, Pinocchio teste les frontières entre documentaire et fiction.
Reconnue pour son travail de directrice artistique sur de nombreux films d’auteur, André-Line Beauparlant nous fait partager ses incertitudes, son désarroi presque, face à un frère charmeur et charismatique qu’elle ne connaît que par le prisme d’une vie inventée. On reste étonnés et dubitatifs, mais conscients des tourments que la cinéaste doit affronter et qu’elle a bien voulu nous partager non sans une émouvante sincérité.
Genre : DOCUMENTAIRE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2015 – Durée : 1 h 15 – Réal. : André-Line Beauparlant – Dist. / Contact : Les Films du 3 mars.
Horaires : @ Beaubien
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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