En salle

Le fils de Saul

18 janvier 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
Saul Ausländer est membre du Sonderkommando d’Auschwitz-Birkenau, un groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’aider les nazis dans leurs opérations d’extermination. Dans une chambre à gaz qu’il est chargé de nettoyer, il découvre le cadavre d’un jeune garçon qui lui rappelle son fils.

LE FILM DE LA SEMAINE
Prix de la critique internationale (FIPRESCI)
Festival de Cannes 2015

Le fils de Saul_En salle

CRITIQUE
★★★★  ½

FUIR L’HORREUR
Texte : Jean-Marie Lanlo

Le fils de Saul fut l’un des films événements du dernier festival de Cannes. Non seulement il osait montrer l’horreur des camps d’extermination à travers une proposition de cinéma particulièrement adaptée à son sujet, mais il permettait également à un presque inconnu de se faire un nom (László Nemés a réalisé quelques courts métrages et fut assistant pour Béla Tarr, mais il signe ici son premier long métrage). Il remporta également un Grand Prix qui avait tout d’une Palme d’or!

Saul Ausländer est membre du Sonderkommando de Auschwitz-Birkenau. En tant que tel, il participe aux opérations d’extermination au service des Nazis. Le réalisateur László Nemés semble vouloir le suivre sans discontinuer, en se focalisant sur son visage. Pourtant, après quelques minutes, la caméra le quitte pour filmer un enfant qui a miraculeusement survécu aux chambres à gaz. La caméra devient donc subjective et nous montre ce que voit Saul. La suite du métrage nous le confirmera; lorsqu’une discussion l’intéresse ou qu’un détail attire son attention, la caméra se substituera à son regard. Le reste du temps, elle restera fixée sur lui, ce qui traduit en réalité le prolongement de cette logique de subjectivité. Si la caméra fait de Saul son sujet central c’est parce qu’il refuse de regarder ce qui l’entoure. Il se referme sur lui-même, comme s’il voulait s’acquitter de ses tâches (vider les poches et récupérer les dents en or des personnes gazées, empiler les corps inertes, nettoyer la chambre à gaz) en essayant de faire abstraction de l’horreur. En agissant ainsi, Nemes nous montre les camps comme Saul essaie de les voir, c’est à dire partiellement, par bribes. Cela permet au film de ne pas sombrer dans le sensationnalisme ou dans la recherche de l’émotion facile et de l’effet choc, mais cela traduit également la difficulté de représenter dans une fiction une réalité bien plus ignoble que toutes les inventions horrifiques.

Chacun autour de Saul essaie de fuir cette réalité comme il le peut. Certains le font par la lutte et la résistance (essayer de fuir pour témoigner), d’autres par la religion. Saul choisit de fuir en faisant le plus possible abstraction de cette horreur omniprésente. Mais cela ne suffit plus, il lui faut trouver une autre raison d’exister. C’est pour cela qu’il s’invente un fils et une mission (lui donner une sépulture digne).

Au delà de la force de la proposition de mise en scène s’ajoute alors une idée de scénario tout aussi pertinente. Ce fils inventé montre en effet à quel point le seul moyen de sortir de la folie du repli extrême sur soi est de sombrer dans une autre folie: s’inventer un proche, et avec lui une mission rédemptrice à accomplir. Mais en plus de donner une nouvelle envie de vivre au personnage, ce fils va permettre au film de prendre une dimension supplémentaire. En se transformant en quête, Le fils de Saul pousse son héros à agir aux côtés de ceux qui combattent. Saul évolue ainsi dans d’autres environnements et multiplie les échanges avec d’autres prisonniers. Cela va donner la possibilité à la caméra d’explorer en peu plus cette terrible usine à mort. Dans le même temps, elle nous montre le quotidien des membres du Sonderkommando, composé de ces ouvriers de l’horreur à qui on impose de survivre quelques semaine de plus que les autres déportés en échange d’un quotidien qui peut sembler encore plus cruel que la mort.

Texte complet : Séquences (nº 301 – mars-avril 2016 / À paraître)

Sortie
vendredi 15 janvier 2016
Version originale
multilingue ; S.-t.f. / S.-t.a.
Son of Saul
Titre original

Saul fia

Genre : DRAME – Origine : Hongrie – Année : 2015 – Durée : 1 h 47 – Réal. : Laszlo Nemés – Int. : Géza Röhrig, Levente Molnár, Urs Rechn, Sándor Szótér, Todd Charmont, Uwe Lauer – Dist. / Contact : Métropole.
Horaires : @ Beaubien Cinéma du Parc Cineplex

CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS

★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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