20 février 2016
Ce qu’il y a d’admirable dans les pièces de David Mamet, c’est la durée. Moins de deux heures pour aborder différents sujets sociaux à partir d’un dénominateur commun, la confrontation. Par le biais de dialogues, en apparence simples, émergent des vérités contemporaines sur le comportement humain.
Ici, le mot « race » (en anglais), prend deux significations ; d’une part, la « course», de l’autre son caractère « raciale ». Comment composer avec ces deux notions dans un récit au sujet d’un présumé viol. L’homme blanc aimait la femme noire, mais il l’a violée, du moins selon les dires de la jeune femme, plutôt, d’après les dires, douce et vulnérable.
Le premier avocat est blanc, le deuxième noir. Leur assistante, une afro-américaine. Belle stratégie qui met les deux hommes de loi en conflit avec les tabous d’une société au racisme latent, face à un mur, sorte de frontière qui les empêche de s’exprimer librement, ou au contraire, extirpant leurs propres angoisses et incertitudes. Ce portrait de l’Amérique se fait ici par le biais d’une série de champs/contrechamps dramaturgiques d’une audace imprévue.
On tente maladroitement d’élucider le mystère autour de l’agression sexuelle et le tout se transforme en une joute entre les origines raciales de l’un et de l’autre, sans oublier la présence de la jeune employée qui donne son point de vue de femme. À partir d’un simple récit, se forgent des idées sur ce que nous n’osons dire à haute voix. Le huis clos s’installe dans un décor de bureau d’avocats magnifiquement élaboré par Richard Lacroix. Sec, gris, presque dénudé, conforme aux critères d’une grande ville tentaculaire.
Les mouvements des quatres personnages s’ajustent à la scène semi-horinzontale, sorte de boîte de Pandore d’où essaieront d’émerger les quatre vérités. La musique urbaine jazzée de Ludovic Bonnier s’ajuste bien à l’environnement new-yorkais des professionnels. Si l’adaptation (traduction) de Maryse Warda s’adapte à une réalité québécoise bien que la pièce se passe dans la Grosse Pomme, force est de souligner qu’elle atteint parfois quelques courts moments d’incrédulités que la présence de forts comédiens arrive à dissimuler.
En quelques mots, Race n’est sans doute pas LA pièce de David Mamet, mais elle s’inscrit dans son répertoire habituel, et qui consiste à aborder ses thèmes de prédilection, conscient des habitudes, des tares et des questionnements existentiels de ses contemporains.
La mise en scène, plutôt dynamique de Martine Beaulne, explore l’espace théâtral, le rendant à la fois dangereux et ouvert à toutes les possibilités.
Auteur : David Mamet – Traduction : Maryse Warda – Mise en scène : Martine Beaulne – Décors : Richard Lacroix – Éclairages : Guy Simard – Musique : Ludovic Bonnier – Costumes : Daniel Fortin – Comédiens : Benoît Gouin (Jack Lawson), Frédéric Pierre (Henry Brown), Henri Chassé (Charles Strickland), Myriam De Verger (Susan) – | Durée : 1 h 25 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 26 mars 2015 – Duceppe.
MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). ★ (Mauvais). ½ [ Entre-deux-cotes ]
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