En couverture

Don Quixote

5 mai 2016

CRITIQUE
(Ballet)
★★★★ ½
Texte : Élie Castiel

D’UN CHARME DÉSUET INÉBRANLABLE

La Grande Dame de la danse classique à Cuba était présente ce soir de Première, prima ballerina assoluta et directrice du Ballet nacional de Cuba depuis 1955. Troupe qui résiste au temps et aux formes et qui, avec Don Quixote, joue le pari du classique intemporel, ne reculant devant rien pour défendre une idée, certes dépassée, de la danse, mais empreinte d’une étonnante sincérité.©

DANSE_Don Quixote

PHOTO : © Grands Ballets / Ballet nacional de Cuba

C’est ce qui émane des jeunes danseurs, totalement convaincus du bien fondé de cette œuvre chorégraphique de la fin des années 1980, signée Alicia Alonso, la principale intéressée, entourée de Marta García et de María Elena Llorente. L’inspiration de Marius Petipa et d’Alexander Gorsky se devine pas son classicisme extrême qui ne cède en rien au temps présent. C’est sans doute ce qui a charmé un public enthousiaste avide de nostalgie d’une époque plus sereine. Car en quelque sorte, la proposition d’Alonso est en soi un geste politique, peut-être inconscient, mais d’une pertinence actuelle.

À une époque d’incertitudes, d’incompréhensions, d’absences de références culturelles et historiques, Don Quixote se présente comme une sorte de thérapie aux mauvais présages de notre réalité. Cela se voit non seulement dans la danse, mais dans les décors de Salvador Fernández, exemplaires, spectaculaires, renouant avec cette façon grandiose d’antan de parfaire la mise en scène de ballet, comme si le temps s’était arrêté.

Le rapprochement récent des États-Unis avec Cuba n’est pas absent de cette présentation. Les danseurs exploitent la scène, s’approprient l’espace et font de ce travail une œuvre sine  qua non qui résiste aux modes.

Les gestes sont raffinés, les acrobaties aériennes,
l’engouement espiègle et généreux. Les danseuses sculpturales
et élégantes ; les danseurs affichant des corps harmonieux.

La troupe est constamment présente sur scène ; les pas de deux se font à l’intérieur de la multitude ; les interactions rendent comptent de la réalité cubaine où le collectif l’emporte sur l’individuel. Autre geste politique envers le public, ravi, étonné devant une telle franchise.

Et puis, la musique de Ludwig Minkus, répétitive par moments, mais arborant de temps à autre le drapeau ibérique avec une fierté à la fois gracieuse et contagieuse. Les gestes sont raffinés, les acrobaties aériennes, l’engouement espiègle et généreux. Les danseuses sculpturales et élégantes ; les danseurs affichant des corps harmonieux.

Avant le tomber du rideau, deux danseurs accompagnent la Grande Dame à venir sur scène. À 94 ans, elle reçoit une ovation debout largement méritée de la part d’un public conquis qui vient d’assister à un spectacle, sans aucun doute, historique.

BALLET EN TROIS ACTES
Chorégraphie : Alicia Alonso, Marta Garcia, Maria Elena Llorente, d’après l’œuvre originale de Marisu Petitpa et la version d’Alexander Gorsky – Musique : Ludwig Minkus – Livret / Décors / Costumes : Salvador Fernández – Danseurs : Corps de ballet du Ballet nacional de Cuba | Durée : 2 h 20 (incluant 2 entractes) | Prochaines représentations : Jusqu’au 7 mai 2016 –
Place des Arts (Salle Wilfrid-Pelletier)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon. ★★ Passable. (Mauvais) ½ [Entre-deux-cotes)

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