24 juin 2016
Le Musée des Beaux-Arts de Montréal a, depuis quelques années avec les expositions Jean-Paul Gauthier et Rodin, atteint une plus grande notoriété et une fréquentation qui continue de croître comme le montre le succès actuel de Pompéï. Le travail de Nathalie Bondil et de son équipe porte donc de beaux fruits aussi évidents dans cette exposition qui recadre la place importante de Toulouse-Lautrec comme affichiste.
Dans ce monde où les tags, graffitis et autres expressions contestent la place de la publicité belle ou agressante dans notre environnement visuel, la place de l’affiche collée de manière intempestive ou non sur les murs apparaît réduite car elle a connu tellement d’avatars qu’on peut avoir des problèmes à en cerner les origines. Au XIXe siècle, la lithographie atteint un grand niveau technique qui attire des artistes comme Théophile Alexandre Steinlein et Toulouse-Lautrec. Henri de Toulouse-Lautrec, né dans une famille artistocrate du sud de la France, trouve à Paris un lieu où parfaire son talent de peintre et un moyen de connaître les divers pans de la société qui l’entoure. Son regard influencé par une blessure intérieure et mû par un grand appétit de vivre se déploie en miroir dans ses affiches où son humanisme transparait même à travers ses coups de griffes dont ils assaillent certains puissants.
La collection privée, à laquelle le musée de Montréal et la Phillips Collection de Washington et leur commissaire invité Gilles Gentil ont eu accès, permet d’apprécier le travail minutieux de préparation et de superposition des couches qui donnent ainsi ces œuvres uniques produites quelquefois en si peu de copies restantes. Certains de ces artistes de café-concert ou de théâtre, Jane Avril ou Albert Brasseur, par exemple,sont devenus encore plus célèbres depuis car ces peintres ou des photographes d’alors leur ont donné une immortalité qui s’affichera toujours dans leurs réalisations picturales.
Toulouse-Lautrec va visiter aussi les maisons closes et il croque avec une douceur étonnante pour l’époque ces dames de petite vertu. Parmi les œuvres de ses amis, l’exposition donne une belle place au Mirliton, peinture retrouvée de Louis Anquetin. Celui-ci fait rentrer le spectateur dans ce cabaret où trône Aristide Bruant de sa grande stature affublée de rouge et de noir. La composition triangulaire d’Anquetin nous amène par paliers au fond de la salle et nous fait embrasser d’un regard la faune parisienne dans toutes ses varitétés. Toulouse-Lautrec, par une affiche, fera d’Aristide une figure facilement reconnaissable avec son large chapeau et son écharpe. Si Henri est un artiste éminemment urbain, tant il dessine les acteurs, chanteuses, danseurs et écrivains avec une touchante diligence, il garde pour les chevaux qu’ils soient de course ou de travail, un intérêt né de l’enfance qui transparaît dans plusieurs de ses compositions.
On doit regretter que le lexique explicatif des termes de création des affiches soit placé sur un mur de la dernière salle. Lors de la visite de presse avant le vernissage, les extraits de films sur les divers petits écrans vidéos n’étaient pas identifiés. On y remarque des vues des rues de Paris de l’époque mais aussi un extrait d’une émission télé de Radio-Canada où des danseurs de French cancan virevoltent autour d’Eddie Constantine et Marcel Marceau. Cette exposition riche dans ses attraits permettra aussi à certains de voir ou revoir d’un autre œil des films sur la période dont Moulin Rouge de John Huston qui retrouve d’une manière plus ou moins fictionnelle les traits de cette époque qui est aussi celle d’une Impression soleil couchant puisqu’elle se termine dans les tranchées de 1914.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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