29 juillet 2016
Si Stephen Dunn propose sa propre écriture cinématographique, de nombreuses corrélations narratives et influences stylistiques sont présentes. Au niveau narratif, on y retrouve la personnalité d’un J’ai tué ma mère (Xavier Dolan, 2009), où un adolescent créatif négocie avec son parent « monoparental » qu’il déteste (la mère dans le film de Dolan, le père dans le film de Dunn). Si, au niveau stylistique, les premières images de Closet Monster (scènes filmées au ralenti avec père/fils jouant à l’extérieur, enfance, naissance) évoquent sporadiquement Tree of Life (Terrence Malick, 2011), c’est la référence stylistique à David Cronenberg qui est la plus surprenante. Là où on s’y attend le moins, pour évoquer l’esprit torturé lié à la découverte de son homosexualité, soit la perception de ce corps « étranger », ce « monstre », ce « désir monstrueux » qui émane de l’être d’Oscar, Dunn utilise brillamment la métaphore de l’esthétique croneberg-esque, pour évoquer le corps étranger, l’autre, l’homophobie intériorisée et la métamorphose.
Les références à The Fly (1986), — la mutation — ou encore eXistenZ (1999) — le ventre/cordon ombilical comme centre de connexion à l’autre (monde) — sont éloquentes, quoique transposées et adaptées à l’univers de Closet Monster (la scène où Oscar vomit dans les toilettes est surprenante en ce sens). Cet imaginaire propose une admirable utilisation du réalisme magique, soit le surnaturel dans l’univers réaliste, aussi associé au fait qu’Oscar aspire à une carrière d’artiste maquilleur en effets spéciaux. Annexé à cet univers, l’intégration de Buffy (le hamster qui parle), représente l’enfant intérieur d’Oscar — son imaginaire d’enfant — cet idéal duquel tout adulte en devenir doit se départir pour avancer. C’est d’ailleurs Buffy qui « dira » à Oscar, après sa rencontre avec Wilder : « tu as quelque chose de différent aujourd’hui… tu es en amour ! »
Il refuse d’entendre cet aveu de Buffy, qui est en fait sa vérité intérieure qu’il ne veut admettre. Un choix astucieux qui permet d’exposer métaphoriquement les prémices de la découverte (et de l’acceptation) de sa propre homosexualité, par la création d’un imaginaire.
Il en est de même lorsque Oscar se voit refuser l’admission à la Joe Blasco Makeup Schools de New York : la lecture du mot « malheureusement » (unfortunately) sur papier, se transpose sur tous les objets qui l’entourent : un refus, une déception, un rejet, traduisant symboliquement ce sentiment de honte et cette peur du rejet liée au coming-out. D’ailleurs, la représentation de l’homosexualité est davantage intériorisée et associée à l’imaginaire qu’aux scènes plus explicites ou intimes (un baiser entre Oscar et Wilder). Ceci met l’accent de la trame narrative sur la lutte intérieure du personnage, au contraire d’autres coming-of-age LGBT; par exemple, North Sea Texas (2011, Bavo Defurne) présente un adolescent créatif et la découverte de son homosexualité, mais avec des scènes plus explicites.
Texte intégral
Séquences
Nº 304 (Septembre-Octobre 2016)
p. 10-11
En Kiosque : Septembre 2016
Genre : DRAME – Origine : Canada – Année : 2015 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Stephen Dunn – Int. : Connor Jessup, Aaron Abrams, Isabelle Rossellini, Aliocha Schneider, Joanne Kelly, Sofia Banzhaf – Dist. / Contact : Remstar.
Horaires : @ Cineplex
CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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