24 novembre 2016
Une tristesse profonde et une mélancolie diaphane émanent du personnage de cette journaliste en pleine crise existentielle dans une Amérique du milieu des années 70, bercée par les soubresauts de l’affaire Richard Nixon, évoqués en filigrane, mais faisant partie du récit. Car le très beau film d’Antonio Campos évolue dans une sorte de terrain miné qui contribue à faire de ce canevas d’une époque particulière un portrait juste et pertinent dont certains se souviendront avec un double sentiment d’amour et de haine. Et que dire de la bande sonore, empruntant aux tubes de l’époque, chansons dont les paroles souvent amoureuses et conciliarices entrent en conflit avec les histoires vécues, servant de palliatifs aux obstacles d’une Amérique qui change sans prévenir.
Tiré d’un fait divers aux conséquences lourdes et tragiques, Christine, titre on ne peut plus impersonnel, séduit, émeut, refuse de cicatriser les plaies intérieures et mine de rien, propose une vision de la vie où la survie est à l’ordre du jour. Le drame social est ici mis en scène par un brillant Antonio Campos, qui après trois courts et deux longs, Afterschool (2008) et Simon Killer (2012), apparemment inédits ici, s’empare de la caméra pour figurer l’allégorie d’une Amérique qui « sort » du Vietnam le cœur gros, la culpabilité dans l’âme et se dirige vers un futur incertain.
Avenir pâle qui se jette sur le dos de Christine (brillante et unique Rebecca Hall), en proie aux écoeurements professionnels d’un milieu télévisuel qui voit les transformations avancer à grands pas. L’époque trash s’annonce, d’où le goût pervers pour le sensationnalisme gratuit, chemin que l’(anti) héroïne de ce film captivant doit emprunter pour atteindre un niveau respectable de reconnaissance souhaitée. C’est aussi les débuts fragiles de l’ascension des femmes dans des postes clé, concordant avec le mouvement féministe à ses débuts. Qu’importe si la protagoniste centrale mélange démons intérieurs et vie professionnelle, car l’introspection freudienne atteint ici des degrés insoupçonnables de simplicité pour essayer de comprendre le comportement de la principale intéressée.
Et puis une finale fracassante où Campos, hautement séduit par son sujet, lance une déclaration aux spectateurs selon laquelle les choses n’ont pas vraiment évolué. Christine, c’est aussi, au-delà de quatre décennies plus tard, la confirmation de la perte des valeurs d’une société qui ne sait plus où elle va, consommant le divertissement superficiel comme expédient aux problèmes qui l’assaillent. Les dernières élections chez nos voisins du Sud le prouvent clairement. Bouleversant, hypnotique, intransigeant, mais surtout essentiel et cruellement présent, c’est bel et bien ce qu’on peut en conclure.
Genre : DRAME – Origine : États-Unis / Grande-Bretagne – Année : 2016 – Durée : 1 h 55 – Réal. : Antonio Campos – Int. : Rebecca Hall, Tracy Letts, J. Smith-Cameron, Michael C. Hall, Maria Dizzia, Timothy Simons – Dist./Contact : The Orchard [Corp. du Cinéma du Parc].
Horaires : @ Cinéma du Parc
CLASSEMENT
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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