28 novembre 2016
Un chanteur israélien se promène, dans un quartier vieillot, entonnant une chanson dans laquelle il se remémore certains moments de sa vie. Sur ces mêmes rues et ruelles, le réalisateur palestinien Kamal Ajafari insère en alternance des images de son oncle Salim déambulant dans ce quartier de Jaffa où il a toujours vécu et que certains responsables du cinéma israélien ont réemployé à d’autres fins. C’est par cette revisite de ces lieux familiaux et familiers que ce cinéaste se réapproprie les images de son histoire et de son peuple. Une rétrospective de ses œuvres aura lieu les jours prochains à la Cinémathèque québécoise et dans d’autres institutions montréalaises.
Kamal Ajafari est né à Ramla en Israël et a vécu surtout à Jaffa avant d’aller étudier le cinéma en Allemagne où il a connu, depuis 2003, un succès certain par ses documentaires, qui établissent des variations diverses sur les lieux et certains de leurs éléments (Balconies) et les rappels émotifs ou discursifs qu’ils suscitent. Ainsi, dans le court Visit Iraq, il interroge des passants suisses sur l’histoire de cette agence d’Iraqi Airways située dans le quartier de la gare de Cornavin à Genève. Les bureaux sont vides depuis la guerre contre l’Irak et le grand portrait de Saddam Hussein a été enlevé mais les loyers sont toujours payés dans l’attente d’un très hypothétique retour.
Le drame de la famille de cet oncle Salim, de sa tante et de sa grand-mère qui peuvent être expulsés de leur appartement qu’ils ont achetés pourtant il y a bien longtemps est le centre de Port of Memory, conduisant AlJafari à une oscillation entre le dedans et le dehors, se promenant dans le quartier de Jaffa dans un café et accompagnant d’un doux regard la vie de ces parents qui vaquent difficilement à leurs occupations, trouvant par ailleurs dans les téléromans un baume à leurs existences routinières.
Pour répondre à Menahem Golan filmant pour Kazablan la scène décrite en introduction dans son quartier, il produit dans Recollection un film de montage-enquête, débusquant les images furtives de ses parents, amis et voisins par reprises de séquences, arrêts sur image dans les films israéliens de fiction tels Delta Force (1986, se passant à Beyrouth) tournés depuis les années 60 dans la ville de son enfance. Il redonne ainsi une vie, une existence à ces fantômes furtifs. Par ces œuvres, AlJafari participe ainsi à la reconquête tout au moins cinématographique de l’espace mémoriel palestinien comme le faisait hier par la fiction, Elia Suleiman dans Chronique d’une disparition (Segell ikhtifa). Les récents RIDM présentaient d’ailleurs dans leur section UXDoc un site Jerusalem, We Are Here de Dorit Naaman où des guides et historiens d’origines diverses tentent de reconstruire, tout au moins virtuellement, par des témoignages de divers types, l’histoire complexe du quartier palestinien de Katamon dans cette ville plusieurs fois millénaire.
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