6 février 2017
À l’heure du politiquement correct, comportement de plus en plus étendu parmi toutes les couches de la population, notamment occidentales et tous âges confondus, une pièce comme Bakersfield Mist arrive à point et se présente comme une chaleureuse bouffée d’air frais. L’heureux responsable : l’Américain Stephen Sachs, dramaturge, à qui l’on doit, dans ce cas-ci, les dialogues les plus électrifiants et savoureux dans le genre comédie dramatique.
Car derrière ces paroles drôles, ces échanges de gestuelles parfaitement orchestrées entre deux seules comédiens, elle (Nicola Cavendish) et lui (Jonathan Monro), tous les deux conquis par un espace dramatique qui les domine, les pervertit, les rend humains et, mine de rien, les oblige à redéfinir leur vision du monde, un échange dramatique à deux voix, un rendez-vous avec les paradoxes de la vie et avant tout, une rencontre improbable entre deux inconnus venus d’ailleurs.
Voici sans doute l’une des plus belles trouvailles de la saison 2016-2017 du Centaur, avec le Segal, l’endroit par excellence du théâtre anglophone montréalais. On ne négligera pas pour autant les salles «parallèles» de notre métropole en langue de Shakespeare. Cette légère promo faite, Bakersfield Mist dévoile justement le «brouillard» (du mot anglais Mist) que traversent ces deux opposés lorsqu’ils font face à un tableau de grand maître. Est-il vrai ? Est-il faux ?
Vérité, mensonge, évocation de la naissance de l’art issu de la Grèce antique qui privilégiait la notion du beau, une façon de faire comprendre à la personne qui l’ignore que c’est ainsi que les choses vont en matière de dextérité. Maude écoute avec attention, mais oubliera sans doute. Lionel apprendra que la nature humaine est plus complexe qu’il ne le pensait.
Dialogue de sourds entre deux mondes qui ne se connaissent pas, mais qui en l’espace du temps que dure la pièce, établissent finalement un rapport consensuel, mais non pour le moins conciliateur. Bakersfied Mist est après tout un plan-séquence théâtral qui laisse le spectateur dans le doute, sortant de l’enceinte avec certaines révélations sur la nature humaine.
Finalement, ce tableau en question, est-ce un vrai Jackson Pollock ou pas ? Qu’importe la réponse. Dans ce puzzle diabolique entre la vérité et ce qui ne l’est pas, un jeu psychologique sur les premières impressions qu’on peut avoir de quelqu’un et sur la recherche de la vérité, le plus souvent, inatteignable, quel que soit notre rang social. Sur ce point, les différences de classe s’évaporent pour situer l’humain dans une sphère aussi charitable qu’imprévisible. Un beau moment de théâtre qu’on savoure avec bienveillance et jubilation.
Auteur : Stephen Sachs – Mise en scène : Roy Surette – Décors : Pam Johnson – Costumes : Pam Johnson – Éclairages : Conor Moore – Conception sonore : Scott Zechner – Conception vidéo : Michel Sider – Distribution : Nicola Cavendish (Maude Gutman), Jonathan Monro (Lionel Percy) – Production : Centre Theatre Company | Durée : 1 h 20 approx. (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 26 février 2017 – Centaur.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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