23 février 2017
RÉSUMÉ SUCCINCT
À partir du manuscrit de James Baldwin, Remember This House, toujours inédit, l’auteur proposait un regard personnel sur les assassinats des leaders Malcolm X, Martin Luther King Jr. Et Medgar Evers. Le cinéaste Raoul Peck se penche sur la question.
Depuis son remarqué Lumumba (2000), nous avions quelque peu perdu de vue Raoul Peck. Le cinéaste haïtien nous revient en force avec ce rappel à l’histoire évoquant la lutte mouvementée – et encore terriblement féroce – pour les droits civiques des Afro-Américains. Basé sur les textes de l’auteur James Arthur Baldwin (1924-1987) lus par Samuel L. Jackson et incarnant l’essence même de cet auteur visionnaire, I Am Not Your Negro s’inscrit d’emblée comme l’un de ces documentaires indispensables, opérant une fusion parfaite de la complexité de l’essai philosophique et de l’évidence de la démonstration factuelle.
Des émeutes de Watts ou d’Oakland dans les années 60 jusqu’à celles toutes récentes de Ferguson, en passant par l’insupportable tabassage de Rodney King, Peck nous emmène sur le chemin de croix traversé par les noirs américains, jeunes ou vieux, intellectuels ou ouvriers. Il nous rappelle à quel point la route a été longue avant l’arrivée de Barack Obama au pouvoir, et relie le sort dramatique de millions de citoyens au combat mené par l’homme blanc pour éradiquer les Indiens d’Amérique.
Teintées de défaitisme, les pensées de Baldwin, plus que jamais actuelles malgré les décennies écoulées, se retrouvent synthétisées dans les portraits des figures emblématiques de la défense de la cause noire que furent Malcolm X, Martin Luther King Jr et Medgar Evers, amis personnels dont il voulait en faire le sujet de son dernier ouvrage qui ne fut jamais publié. De cette analyse en profondeur du mal qui ronge la société étasunienne, on retiendra la rhétorique haute en couleurs de l’auteur, jamais vindicatif – il a d’ailleurs tenté de rester indépendant des courants idéologiques de l’époque – mais toujours juste, à l’image de cette phrase résumant à elle seule toutes ses théories : « L’histoire des noirs, c’est l’histoire de l’Amérique. Ce n’est pas une belle histoire. »
Outre les extraits d’entrevues accordées par Baldwin, le film repose sur de nombreux passages de longs métrages de fiction produits par Hollywood, qui viennent justement réaffirmer l’impact du cinéma populaire sur l’inconscient collectif américain, véhiculant d’un côté la suprématie d’un fantasme américain blanc, cristallisée dans le duo Gary Cooper et Doris Day, et de l’autre, une représentation fausse ou trompeuse des noirs. Face à ces deux solitudes en apparence irréconciliables (ces « expériences jamais confrontées »), Baldwin conclut en guise d’avertissement que « rien ne peut changer si on ne l’affronte pas ». Adressé de prime abord au peuple Américain, ce message prophétique d’une rare force de conviction nous interpelle tout autant.
Genre : DOCUMENTAIRE – Origine : États-Unis / France – Année : 2016 – Durée : 1 h 35 – Réal. : Raoul Peck –– Dist./Contact : Métropole.
Horaires : @ Cinéma du Parc – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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