30 mars 2017
Quel est votre parcours avant ce premier long-métrage?
Je suis entrée au conservatoire quand j’avais six ans. J’y suis allée pour la danse classique et le violon. Une fois au conservatoire, on me propose, par exemple, de jouer dans une comédie musicale. Et là, c’est cool de jouer! Alors, je demande à ma mère de m’inscrire à des cours de théâtre. Dès l’âge de 10 ans, je cherche des castings. À 14 ans, j’ai mon premier agent… À défaut d’avoir l’air pompeuse, je me considère plus comme une artiste qu’une comédienne. Je pense que d’avoir fait du violon et de la danse classique pendant si longtemps m’a permis de faire des films. C’est un tout. Après, j’ai fait deux conservatoires d’art dramatique.
Le film utilise le lexique de la tragédie. Est-ce que le théâtre classique vous a inspiré pour construire ce rôle?
C’est une bonne question parce que les professeurs aiment que vous choisissiez des rôles qui vous ressemble, c’est-à-dire des rôles de votre âge, de votre sexe. Et moi, un professeur m’a dit un jour : « tu devrais jouer Phèdre! ». J’étais surprise parce qu’elle a sûrement 50 ans. Alors pourquoi? Il m’a répondu que j’avais une âme de vieille dans un corps de jeune. Ça m’a permis de découvrir que la tragédie était beaucoup plus près de moi que la légèreté. J’ai d’ailleurs plus de difficultés, dans le film, avec les scènes plus légères. Alors, au conservatoire, j’ai travaillé beaucoup les rôles de tragédies classiques comme Phèdre. Le rôle dans Noces m’a peut-être attirée pour ça.
Je sais que la casting s’est fait rapidement. Comment a-t-il influencé votre préparation?
Rapide, oui et non… parce que l’audition s’est faite en janvier et j’ai été rappelée en juin… pour tourner une semaine plus tard ! Donc, j’ai eu une semaine pour apprendre l’ourdou et me préparer. Finalement, cette précipitation a servi parce que j’étais plus instinctive. Je me posais moins de questions et d’ailleurs, je travaille mal si je m’en pose trop. J’ai découvert que de trop intellectualiser le rôle ne m’allait pas bien. Je préfère y aller avec mes instincts. Ceci dit, ça ne veut pas dire que je suis allée là sans bosser. Cette semaine de préparation a été une semaine de malade! J’ai dû faire des recherches, par exemple, sur l’avortement. Enfin, sur comment on réagit à ça. On ne peut pas tout imaginer.
Et là, le tournage commence aussitôt.
On a commencé par les scènes d’hôpital. Je crois que Stephan, le réalisateur, a fait exprès pour que le stress soit encore vif et serve mon jeu.
C’est agréable ou pas?
Ce n’était pas un tournage agréable. Mais, après coup, ça va. Ça fait partie du processus. Aujourd’hui, je trouve que ça peut être une bonne idée, mais sur le moment, j’étais hyper mal. Franchement, je pleurais toute la journée. On ne pouvait tourner qu’au moment où j’arrêtais. Et ça aurait pu servir pour le personnage, mais après, Stephan n’a pris que les prises où je ne pleure pas. Et il y en a eu des prises où je pleure parce que j’ai la larme facile. Je me sens plus à l’aise du côté de la tragédie. Mais, Stephan ne voulait pas faire de Zahira une chialeuse (ce que je suis moi…). Il ne voulait pas d’un personnage qui se victimise. Du coup, il a pris seulement les prises où je ne pleure pas; ce qui est plutôt intelligent.
Je me suis aussi découverte comme comédienne. Normalement, je suis plus classique et technique. En plus, je n’avais pas fini le conservatoire, donc il me manquait le côté technique. Je me suis faite ma propre technique au tournage. Je ne suis pas une grande technicienne non plus. Je ne crois pas que c’est intéressant qu’une comédienne arrive et bam! au bon moment, le personnage est joué et après tout s’arrête. Je ne crois pas que c’est vraiment vécu. J’ai découvert, aussi, qu’au cinéma il faut constamment sortir de l’émotion. J’ai plus de facilité à entrer dans une émotion qu’à en sortir. Au théâtre, garder l’émotion, ça sert à la continuité du jeu. Au cinéma, il faut recommencer et se remettre à zéro pour chaque prise. On ne peut pas rester dans l’émotion.
J’ai su que Streker donne souvent des indications pendant une prise. Comment trouvez-vous cette stratégie?
Oui, au début, c’est un peu bizarre, mais à la longue, toutefois bien fait. Stephan est très près des comédiens. Il savait quoi dire et à quel moment pour que ça fasse écho. Si l’on avait dit que ça énervait, il aurait arrêté, c’est certain. En même temps, sur un plateau de tournage, il y a 40 personnes qui tournent autour de toi, alors ce n’est pas une voix qui va te sortir de ton personnage. Alors, ça ne nous fait pas décrocher, au contraire. Évidemment, c’est plus dur pour le preneur de son (je n’ai jamais autant fait de sons seuls de toute ma vie). Stephan ne donne pas tant d’indications, il est dans le « plus » ou le « moins ». Il va dire, par exemple, systématiquement d’aller « plus vite ». Des fois, il faut prendre le temps entre chaque réplique, mais il ne voulait pas. C’était toujours sur le vif.
Avez-vous eu des surprises au premier visionnement du film?
J’ai eu que des surprises comme je n’avais rien vu des rushes pendant le tournage. Je n’avais jamais fait de cinéma non plus et je ne savais jamais comment c’était cadré. On ne nous le disait pas et c’est correct. Ce n’est pas parce qu’on fait un gros plan que vous n’allez pas jouer avec le bas de votre corps.
Quels sont vos projets après cette aventure?
D’abord, je dois finir mes études en journalisme. Ça peut paraître surprenant comme choix de carrière, mais ça me donne une liberté. Je ne m’ennuie pas quand je ne fais pas de cinéma alors je choisis vraiment des films que j’aime. J’ai, d’ailleurs, un film québécois qui sort : Eye on Juliet réalisé par Kim Nguyen. C’était très sympa! C’est un film très space (comme tous les films de Kim), mais c’est génial. J’adore son cinéma parce qu’il a le courage de faire des films que beaucoup de gens n’oseraient pas faire.
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