2 juin 2017
Près de 40 ans se sont écoulés depuis la sortie du dernier film d’Andrei Tarkovsky en sa terre natale. Malgré le temps et la distance qui nous séparent de l’ère de stagnation de l’Union soviétique, Stalker n’a pas perdu une once de sa puissance : sa pertinence se renouvelle à chaque incursion qu’on fait dans son espace-temps déstabilisant. À l’occasion de sa restauration 2K, chaque soir du 2 au 8 juin au Cinéma du Parc, un portail s’ouvrira le temps de laisser entrer nouveaux visiteurs et stalkers aguerris vers un territoire mystérieux où plus rien n’est certain.
N’entre pas qui veut dans ce territoire qu’on appelle la Zone : son périmètre est fortifié et gardé par les autorités. On dit que depuis qu’une météorite y est tombée il y a de ça plusieurs années, des phénomènes qui dépassent l’entendement s’y produisent. On raconte même qu’il y a, quelque part au cœur de la Zone, une pièce qui exauce le souhait de celui qui y entre. Dit-on vrai ? Où s’agit-il de rumeurs superstitieuses ?
Visionner Stalker, c’est faire un voyage, une excursion ardue en quête d’une promesse improbable. Nos compagnons de voyage: un écrivain et un scientifique. Notre guide: le Stalker éponyme, expert en infiltration clandestine de la Zone et navigateur de ses nombreux pièges. Chacun d’eux tente de comprendre leur expérience à travers sa lentille : l’art, la science ou la foi inébranlable du Stalker.
Car les lois physiques qui gouvernent notre monde s’avèrent complètement arbitraire au sein de la Zone. La gravité, l’espace-temps et le climat réagissent tous différemment en présence d’humains. La mise en scène de Tarkovsky traduit ces phénomène de façon remarquable et souligne ainsi l’artificialité des règles et conventions du langage cinématographique. De scène en scène, Stalker prouve qu’au cinéma, tout peut arriver. La durée des plans s’étire et s’étire, imposant un rythme hypnotisant, méditatif. Alors qu’on la croit résolument fixe, la caméra recadre soudainement l’espace deux, trois fois au cours d’un même plan. Ce n’est qu’une des nombreuses surprises que nous réservent les méandres de Tarkovsky.
Voir Stalker c’est se perdre. Se perdre dans ses sublimes décors, dans ses long monologues philosophiques sur les fonctions de l’art et de la science. C’est se faire enlever par sa trame musicale planante. Mais comme dans la Zone, il n’y a pas de direction fixe pour retrouver son chemin. Celui qui demeure attentif et sensible à ses moindres détails saura se frayer son propre chemin. Au final, voilà comment perdure la puissance de Stalker : en tant que pure expérience de cinéma qui atteint un équilibre surprenant entre stimulation cérébrale et impact affectif. Ce qu’on y trouve dépend de ce qu’on y cherche.
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