En couverture

Des arbres

29 septembre 2017

CRITIQUE /
THÉÂTRE

Élie Castiel

★★★★

RUPTURES ET AUTRES AFFÉTERIES

Le couple, l’amour, le pur désir de concevoir, les doutes face à cette nouvelle chose qui entre dans nos vies, les petits bonheurs du quotidien, les joies et les excès non partagés. Et ensuite les années qui filent à une vitesse incontrôlable sans qu’on s’en rende compte. Et des existences séparées.

Les mots de l’auteur anglophone Duncan Macmillan font écho aux premiers balbutiements de notre maturité et résonnent lorsque le temps vient d’en finir avec l’âge où on était insouciant. En quelque sorte, mûrir et devenir adulte.

TH_Des arbres

Sophie Cadieux et Maxime Denommée > © Suzanne O’Neill 2016

La traduction de Benjamin Pradet à partir de la pièce Lungs (Poumons) se permet la puissance de la langue d’ici, magnifique parler visuel où le drôle et le sérieux se côtoient sans cesse pour former un tout original qui n’a aucun équivalent sur terre. Comme une forme d’expression métissée qui serait inspirée de mille et une observations.

Deux personnages, Elle et Lui, peu importe leurs prénoms. La relation hétérosexuelle, puisqu’il y a ici le souhait de progéniture, est autre chose qu’un rapport amoureux ; il y a une part de négociation entre le vécu affectif et ceux à quoi on peut s’attendre lorsque deux vies sont partagées ou essaient de l’être.

Le désir et le refus de l’autre s’entrecroisent dans des scènes courtes, graves, ne mâchant pas les mots. Elle, surtout, incarnée par Sophie Cadieux, fragile et audacieuse, corporelle et menue, émouvante et empruntée, marquant le plus souvent des points forts d’authenticité. Et Lui, ébahi devant tant de mots qui le dépassent, le désorientent, le poussent malgré tout à devenir adulte. Belle présence scénique. Car Des arbres, ce sont non seulement des végétaux supérieurs terrestres, mais également des métaphores des êtres qui poussent ou pas, qui savent ou ne savent pas. Texte qui éveille le spectateur et le rend conscient par petites doses d’un humour cynique, narquois, agressif par moments, que la vie est peut-être belle, mais pas si facile que ça !

Les mots de l’auteur anglophone Duncan Macmillan font
écho aux premiers balbutiements de notre maturité
et résonnent lorsque le temps vient d’en finir avec l’âge où
on était insouciant. En quelque sorte, mûrir et devenir adulte.

En somme, entre le théâtre et la vie, un rapprochement incroyable, limpide, comme si au milieu de la scène d’un théâtre de poche et les spectateurs se construisaient des liens amicaux et encore plus, un dialogue virtuel qui a à voir avec le jeu des comédiens et le cerveau de l’assistance. Ultime rapport intellectuel, somptueux, essentiel.

En final, sans rien dévoiler, simplement que le roman de nos vies est écrit d’avance et qu’il est pratiquement impossible de faire de nouvelles versions. On a droit, pour que cette pièce soit un succès, à une mise en scène intentionnellement nue de Benoît Vermeulen, jouant sur les effets d’éclairages et un rond centré sur fond de scène qui ressemble soit à un œil venu d’ailleurs où sans doute à notre inconscient devenue matière. Juste manipulation de l’espace scénique comme si pour le coordonnateur du spectacle, il s’agissait d’une seconde nature. Quant à Sophie Cadieux et Maxime Denommée, tous les deux totalement investis dans des rôles où la parole, omniprésente, et leur présence permettent quelques très brefs silences où le non-dit met à notre disposition une multitude de sens.

Séquences_Web

Texte : Duncan Macmillan – Traduction : Benjamin Pradet, à partir de Lungs Mise en scène : Benoît Vermeulen – Assistante : Arianne Lamarre – Mus. : Guido Del Fabbro – Direction art. : Jean-Denis Leduc – Éclairages  : André Rioux – Son : Guy Fortin – Distribution  : Sophie Cadieux, Maxime Denommée – Production : La Licorne / La Manufacture | Durée : 1 h 20 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 27 octobre 2017 – La Licorne (Petite salle)

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). (Mauvais). ½ [Entre-deux-cotes]

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