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La mort d’un commis voyageur

10 octobre 2017

CRITIQUE /
THÉÂTRE
Texte : Élie Castiel

★★★ ½

SONGES D’UNE VIE RATÉE

Le personnage de Willy Loman, créé en 1949 par le grand Arthur Miller, l’un des plus importants dramaturges de la scène américaine du 20e siècle, est repris par Serge Denoncourt dans sa propre traduction de Death of a Salesman, forcément œuvre assez puissante pour qu’on la monte aujourd’hui, 68 ans plus tard.

A-t-elle vieilli cependant ? Sans doute que oui puisque les bouleversements au cours des presque sept dernières décennies ont changé l’individu : face à lui-même, face à ses proches, la société, la politique, sa philosophie de vie. Et la femme dans tout ça ? Elle a acquis plusieurs droits fondamentaux et autres. Et dans cette Mort d’un commis voyageur, il y a deux sortes, la mère et l’épouse, et les autres, celles qui se donnent facilement… une façon d’assumer leur sexualité qui, à l’époque, était du domaine de l’impensable.

TH_La mort d'un commis voyageur

Louise Turcot, Mikhaïl Ahooja, Robert Lalonde, Marc Messieur et Eric Bruneau > © Théâtre du Rideau Vert

Si la première pièce de la nouvelle saison au TRV fascine, c’est sans aucun doute grâce aux comédiens, particulièrement Louise Turcot, qui mêle deux formes d’interprétation avec grâce et doigté, l’ancienne, qui émeut encore, la nouvelle, plus aguerrie, triomphante, transformant la scène en un espace naturel.

Il y a les autres, bien entendu ; Marc Messier en Wily, solide dans son rôle, mais qui parfois en met trop. Ce n’est pas si grave puisque son personnage est si dramatique (et théâtral) que nous sommes prêts à lui pardonner n’importe quel léger faux pas. Mikhaïl Ahooja et Eric Bruneau incarnent des personnages cinématographiques qui évoquent les grands écrits de Tennesse Williams, et il n’est guère surprenant que Denoncourt les présente avec un côté homoérotique totalement assumé : corps, gestes, regards, frontalité.

La pièce de Miller parle de mégalomanie, d’impuissance
face  à l’échec, du combat entre charisme et réussite
sociale. Le monde, après tout, a-t-il vraiment changé dans
les rapports que l’individu tient avec l’argent, les affaires
et même l’amitié ? Aujourd’hui, c’est simplement pire !

Car sa mise en scène, moins ambitieuse que ses précédentes, respire le souffle de la simplicité et le sans-gêne. Le Denoncourt de Mort d’un commis voyageur est tendre, affectueux, s’en tenant beaucoup plus aux personnages qu’à la mise en situation. Les comédiens, il les affectionne, leur donne le temps de développer leurs personnages, les écoute. Serge Denoncourt n’a jamais été aussi réservé et en même temps curieux et raisonnable.

La pièce de Miller parle de mégalomanie, d’impuissance face à l’échec, du combat entre charisme et réussite sociale. Le monde, après tout, a-t-il vraiment changé dans les rapports que l’individu tient avec l’argent, les affaires et même l’amitié ? Aujourd’hui, c’est simplement pire !

Séquences_Web

Texte : Arthur Miller – Traduction : Serge Denoncourt – Mise en scène : Serge Denoncourt, assisté de Marie-Christine Martel – Éclairages : Erwann Bernard – Musique : Laurier Rajotte Costumes : Ginette Noiseux – Décors : Guillaume Lord – Comédiens  : Marc Messier, Mikhaïl Ahooja, Marilyse Bourke, Eric Bruneau, Sarah Cloutier-Labbé, Charles-Alexandre Dubé, Aude Lachapelle, Robert Lalonde, Jean-Moïse Martin, Mathieu Richard, Manuel Tadros, Louise Turcot – Production : Théâtre du Rideau Vert / Durée : 2 h 30 approx. (incluant 1 entracte)  – Représentations : Jusqu’au 4  novembre 2017 – TRV.

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). (Mauvais). ½ [Entre-deux-cotes]

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