3 novembre 2017
Kristina Grozeva et Petar Valchanov forment un tandem de réalisateurs bien particulier. Ils travaillent ensemble depuis une dizaine d’années à attirer l’attention sur les travers de la société bulgare. À l’instar de leur dernier film, La leçon (inédit au Québec), Glory dévoile les inégalités sociales qui perdurent entre les milieux urbains et ruraux en Bulgarie, entre des dirigeants toujours enlisés dans une bureaucratie post-soviétique et des ouvriers de plus en plus pauvres. À preuve, le cheminot Tsanko Petrov, pourtant un travailleur consciencieux et très ponctuel, vit dans une baraque délabrée en pleine campagne. Il possède encore un vieux téléphone à cadran qu’il préfère utiliser plutôt que son cellulaire qui l’embête profondément.
Nous plongeons ici en pleine misère ouvrière. Pendant ce temps, Julia Stalkova, l’attachée de presse du ministre du transport, se déplace en voiture de luxe avec chauffeur et habite une superbe demeure à Sofia. Avec son mari beaucoup trop conciliant et affable, elle tente à quarante ans de se faire inséminer dans une clinique pour tomber enceinte, sans trop y croire. Quand elle s’absente sans raison valable, le médecin pourrait la retirer de la liste, mais connaissant sa position politique, il préfère la laisser passer. Le fossé est vraiment infranchissable entre l’inoffensif Tsanko et la hautaine Julia, une femme vraiment détestable.
Le point de départ semble plutôt anodin. Tsanko a trouvé un sac d’argent sur les rails et l’a remis aux autorités. Julia le transforme en héros, mais quand elle le rencontre, tout le monde se moque de lui parce qu’il bégaie atrocement, qu’il gaffe sans arrêt et qu’il porte une horrible barbe. Bien que les situations tragicomiques qu’il engendre peuvent sembler amusantes à prime abord, les manigances machiavéliques de cette professionnelle imbue de son pouvoir finissent par nous faire comprendre qu’il s’agit d’un drame, satirique peut-être, mais qui va prendre une tournure inattendue à la fin. Avant d’entraîner l’ouvrier déglingué sur le podium à côté du ministre, elle lui enlève sa précieuse montre Slava, qui signifie « gloire » en français. Ce précieux cadeau de son père va disparaître et Tsanko fera tout pour la récupérer, tandis que la montre numérique qu’il reçoit en cadeau des mains du ministre ne fonctionne pas. Littéralement, sa gloire instantanée l’a privé de sa dignité. Et symboliquement, le gouvernement est en déroute, plongé dans des scandales de corruption. Sommes-nous en Bulgarie ou au Québec?
Les observations sont pertinentes et le parallèle est éloquent grâce à un montage serré et à une interprétation juste, mais les deux cinéastes abusent d’une caméra à l’épaule très instable, surtout au début. Tout le film est tourné sans trépied, ce qui agace car ce n’est pas toujours justifié. Quelques cadrages annoncent trop à l’avance l’action à venir, comme lorsque Tsanko se fait remettre une Slava qui n’est pas la sienne par un gardien de sécurité, cadré au centre avec un espace vide à gauche derrière lui dans la rue. Quand le cheminot sort à l’extérieur et se retrouve dans cet espace, on sait qu’il va s’arrêter et revenir sur ses pas, dénotant un travail de mise en scène trop rigide. Par contre, le dernier plan du film est un exemple magistral de non-dit, qui laissera plus d’un spectateur pantois.
Genre : Satire sociale – Origine : Bulgarie / Grèce – Année : 2016 – Durée : 1 h 41 – Réal. : Kristina Grozeva, Petar Valcharov – Int. : Stefan Denolyubov, Margita Gosheva, Kitodar Todorov, Ivan Savov, Mira Iskarova, Dimitar Sardzhev – Dist. : [Wide Management].
Horaires
@ Cinéma Beaubien
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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