12 novembre 2017
Non pas une tragédie, mais un poème tragique, des mots pour raconter la fameuse Guerre de Troie et le subterfuge du célèbre Cheval. Grecs contre Troyens, individus-dieux qui ont pour noms Menelas, Pâris, Diomedes, Odysseus, Nestor, Achilles et non pour le moindre Agmemnon, et Cassandre, Andromaque. Hommes et femmes qui convoquent leurs Dieux et les situent à leurs propre images et à celles des citoyens. Les Hommes décident par la volonté qu’ils exercent sur les déités. Le texte d’Homer devient la métaphore de la condition humaine, vit à travers les siècles et se traduit dans d’innombrables langues.
Alessandro Baricco en traite dans son Homère, Iliade, dont Marc Beaupré fait ici une libre adaptation et assure la mise en scène. N’allons pas par quatre chemins : sa vision moderne ayant parfois recours au classicisme de nombreuses autres adaptions donne la chair de poule, contribuant à faire de l’espace scénique une sorte de lieu de culte antique où autant les Dieux que les Hommes se confondent pour parler de notre vie sur terre.
Mais c’est la mise en situation de Beaupré, atteint du virus de la création qui subjugue notre esprit. Les différentes bandes son mêlent les époques, les costumes bariolés conduisent à travers les chemins des siècles pour nous proposer un poème lyrique sur l’existence. Et comme par un étrange sursaut d’émotion, on se met à s’interroger sur la chute d’une telle civilisation. Qu’est vraiment la Grèce aujourd’hui ?
L’appropriation du texte par Beaupré n’est pas une imposture, mais une façon comme une autre de moderniser un récit datant de nombreux siècles pour confirmer que la quête de l’individu n’a pas changé.
Et une distribution remarquable où les comédiens et les comédiennes se donnent entièrement à cet exercice de totale immersion. Les noms clés comme Achille (Emmanuel Schwartz), Patrocle (Émile Schneider) ou encore Cassandre (Maya Kuroki, il fait bon de voir de nouvelles têtes venues d’ailleurs), ou encore Andromaque (Catherine Larochelle) ont chacun leurs moments d’émerveillements. Les alibis sont nombreux, les divergences incalculables.
Le pari est gagné, celui de transposer sur scène quelque chose d’indicible, la sensibilité d’un poème épique. C’est turbulent, trippant, d’une modernité à fleur de peau, n’ayons pas peur de dire cool, d’une sensualité étanche qui permet de redécouvrir le corps.
Car oui, L’Iliade, dans sa version Baricco-Beaupré, est un composé de fictions sur la physicalité, sur le corps qui se transforme à mesure que les mots jaillissent. Et la troupe d’interprètes, tous aussi brillants que motivés, traversent avec grandeur subliminale les liens invisibles qui lient le corps et l’esprit.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
Texte : Libre adaptation de Marc Beaupré, inspirée de l’œuvre Homère, Iliade d’Alessandro Baricco – Mise en scène : Marc Beaupré, assisté de Julien Véronneau – Scénographie : François Blouin – Costumes : Sarah Bailleux – Éclairages : Étienne Boucher – Conc. musicale : Stéfan Boucher, assisté de Olivier Landry-Gagnon – Langage des signes : Sarah Turbide – Mouvement : Simon-Xavier Lefèbvre – Accessoires : Julie Measroch – Coiffures et maquillages : Florence Corner – Dramaturgie : Marie-Claude Verdier – Distribution : Stéfan Boucher, Maya Kuroki, Olivier Landry-Gagnon, Justin Laramée, Catherine Larochelle, Louis-Olivier Maufette, Jean-François Nadeau, Émile Schneider, Emmanuel Schwartz, Guillaume Tremblay – Production : Théâtre Denise-Pelletier / Terre des Hommes | Durée : 1 h 45 approx. (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 6 décembre 2017 – TDP (Grande salle).
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