29 mars 2018
Je dois avouer que j’hésitais avant de voir le nouveau Wes Anderson, étant un peu allergique au genre. Mais faute de preneur pour en faire la critique la semaine de sa sortie, j’ai pris mon courage à deux mains avec, comme résultat, la découverte d’un film remarquable d’intelligence, d’humour cynique, de dialogues corrosifs, à l’échelle de son époque. Mais cachant également un humanisme triomphant, annonciateur de meilleurs lendemains.
La race canine, métaphore d’une humanité en péril, de modes de vie qui disparaissent, évoquant en quelque sorte, le Blade Runner (1982) gigantesque de Ridley Scott et les ouvrages mises-en-alerte que sont 1984 de George Orwell et Brave New World / Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley.
Mais Wes Anderson a conservé sa folie, cette partie libre et candide de son adolescence, qui observe, tranche, perpétue les diverses notions du mythe, qu’on retrouve dans les bandes dessinées et ces produits Marvel qui ne cessent de se répandre ; il s’en fiche aussi du monde des adultes et finit par inventer un univers à la fois esthétique et narratif d’une imposante et édifiante richesse intellectuelle.
Et pourtant, le côté ludique de la mise en images est ce qui constitue l’originalité de ce film-surprise, surprenant aussi, osant étaler autant de ressources multimédias que possible pour non seulement et intentionnellement épater la galerie, mais se prendre au sérieux dans ce travail de réalisation époustouflant qui conduit vers quelque chose de sérieux et d’actuel. Sauf évidemment pour ce bref épisode amoureux qui rompt quand même avec la narration et propose en quelque sorte une vision traditionnelle de la vie.
Le vieux anti-héros et le jeune héros Kobayashi sont des ultimes hommages posthumes au grand réalisateur nippon. Du moins, c’est ce que j’ai bien cru voir – ses films de combats, d’une élégance viscérale, jonglant entre une humanité qui se dévore et l’art nippon de l’opéra et de la représentation.
Les autres ne sont pas nous ; qu’il s’agisse du politique, du social ou du culturel ; c’est donc la xénophobie qui domine, au profit d’un protectionnisme hallucinant et aveugle. Il faut la vaincre, la faire disparaître, clame tout haut Anderson. Tout cela transparaît dans cette œuvre hors du temps où l’anglais demeure la langue qui domine, celle par qui les avancées techniques et technologiques peuvent se multiplier. À cet égard, le début du film annonce un avis linguistique surprenant.
Sur le plan du récit, plutôt simple, il existe aussi une humanité entre le monde animal et l’humain. Le chien, « meilleur ami de l’homme » reprend ses droits, négocie avec son faux ennemi et réanime cette étrange amitié entre la bête et la raison qui se perd dans la nuit des temps.
Écologique, humaniste, remettant en question le système d’exploitation hollywoodien, sommant le spectateur d’ajuster son regard pour profiter pleinement et comme il se doit, du Grand Écran afin d’apprécier la vraie valeur du cinéma, Wes Anderson propose une œuvre singulière, renouvelant avec ce que le cinéma avait perdu, ou presque, depuis quelque temps : le pouvoir de l’imaginaire.
L’animation en stop-motion n’a jamais été aussi didactiquement exemplaire que dans Isle of Dogs, un lieu crépusculaire qui termine par devenir un Éden sur Terre. Le rêve est un phénomène qui ne meurt jamais. Essentiel. Subliminal. Puissant.
Réalisation
Wes Anderson
Genre : Animation – Origine : États-Unis / Allemagne – Année : 2018 – Durée : 1 h 41 – Dist. : Fox Searchlight.
Horaires & info.
@ Cinéma du Parc (dès le 6 avril 2018) – Cineplex
Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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