19 avril 2018
Ça tient de la magie, comme si le temps s’était arrêté brusquement pour nous situer dans un ailleurs que nous reconnaissons vaguement et qui nous pousse à mieux comprendre notre prochain, à mieux saisir sa différence et plus encore, à nous remettre nous-même en question. Des choses que nous avions oubliées.
La pièce du britannique Simon Stephens, adaptée du roman de son compatriote Mark Haddon brille par son non-conformisme, particulièrement en ce qui a trait au personnage de Christopher, pris en charge par un Sébastien René immense dans sa fragile grâce physique, inoubliable, entier, et qui apporte à l’art de l’interprétation quelque chose du domaine du jamais-vu. Autour de lui, les autres personnages ressemblent à des pantins qu’il manipule à sa guise, inconsciemment, comme si son propre univers était en proie à une destinée qu’il a lui-même concoctée.
Pour les spectateurs, le décor de Jean Bard et, entre autres, les dessins de Georgios Papachristou procurent une aura évoquant le terrain privilégié du théoricien Stephen Hawking, récemment décédé. Images, dessins, croquis, vidéo, chiffres et autres théories pythagoriennes représentant autant les mathématiques que la physique et la recherche spatiale. Sans pour autant enlever ce degré d’humanité si chère aux auteurs.
La traduction de Maryse Warda, claire, aux accents d’humour qui nous font respirer face à un texte complexe, se plie à une culture anglo-saxonne pour la rapprocher le plus près possible d’une dynamique française, d’ici, de chez nous. Ça fonctionne la plupart du temps, même si parfois certains éléments culturels nous échappent. Car l’adaptation de l’originale The Curious Incident of the Dog in the Night-Time, conserve cette ode à une Angleterre particulière, celle de la pensée et d’une humanité profonde axée sur la réflexion, celle d’un cri de cœur ou de rage intérieure qui refuse de s’extérioriser. Sauf lorsque Christopher, dans son propre monde, constate le manque d’amour d’un univers indifférent. Les moments dans le métro montrent jusqu’à quel point Stephens et Haddon sont observateurs de leur époque et où seuls les plus faibles ou du moins ce qui semblent faibles peuvent finir par disparaître si nous oublions notre âme. Car ils sont les plus forts.
Ce Bizarre incident du chien pendant la nuit est une leçon de morale, d’éthique, concept qui a disparu depuis quelques décennies. Un moment essentiel de théâtre par les temps qui courent.
Si certains films, pièces, ou autres formes de la représentation n’arrivent pas de nous convaincre à devenir de meilleurs êtres humains, il vaut mieux rester chez soi et laisser le temps filer. Sans doute, la meilleure mise en scène de la saison DUCEPPE 2017-2018. Ce soir-là, la salle était presqu’à moitié rempli de moins de 20 ans. Le futur s’annonce brillant.
Auteur : Simon Stephens, d’après le roman de Mark Haddon, The Curious Incident of the Dog in the Night-Time – traduction : Maryse Warda – mise en scène : Hugo Bélanger – Assistance à la mise en scène / Direction de plateau : Guillaume Cyr – décor : Jean Bard – éclairages : Luc Prairie – musique : Ludovic Bonnier – costumes : Marie-Chantale Vaillancourt – Accessoires : Normand Blais – Vidéo : Lionel Arnould – comédiens : Stéphane Breton, Normand D’Amour, Catherine Dajczman, Lyndz Dantiste, Milva Ménard, Catherine Proulx-Lemay, Philippe Robert, Adèle Reinhardt, Sébastien René, Cynthia Wu-Maheux – production : DUCEPPE.
Durée
2 h 25 (incl. entracte)
Représentations
Jusqu’au 14 mai 2018
Place des arts (Théâtre Jean Duceppe)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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