3 mai 2018
Il y a un paradoxe entre la façon dont s’exprime Annarita Zambrano en entrevue (publiée dans les jours qui suivent) et la réalisation d’un premier long métrage abouti, qui sent le soufre, qui évoque non seulement un certain cinéma politique italien de la belle époque, parmi lesquels, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon / Indagine sur un cittadino al di sopra di ogni sospetto (1969) d’Elio Petri, mais aussi l’argentin, deux territoires géographiques latins où ceux mêlés dans les affaires d’état et ceux qui s’y mêlent parle le même langage, celui des amis-ennemis. Zambrano inaugure ce film-cinéma en parlant de ce qu’elle sait : le terrorisme ; et Dieu sait si son pays, l’Italie, n’en a pas connu au cours du dernier siècle et encore aujourd’hui. La post-modernité du nouveau siècle n’a pas empêché les étudiants des universités de protester contre la loi du travail en 2002, en Bologne. Même gestes, mes revendications que les fameux soixante-huitards reconvertis des décennies plus tard, du moins dans certains cas, en hommes d’affaires aguerris. Une histoire faite de rapports effrités entre les États, les puissants et le peuple.
Et puis, un assassinat, celui du juge venu expliquer aux étudiants le bien fondé de la réforme dont il est question. Le film change alors de trame narrative pour jeter son regard sur un des fondateurs de ce parti de la terreur, Marco Lamberti, qui vit en France, ayant profité de la loi-Mitterand en 1982. Aujourd’hui, il vit avec sa fille Viola, 16 ans qui, en ce qui la concerne, ne tient pas à connaître les dessous de cette affaire.
Le film politique s’intègre alors dans le privé, change la vie des personnages, s’immisce dans leur quotidien et Après la guerre (Dopo la guerra) confirme l’ossature binaire de son titre. Ce n’est pas un titre pris en hasard, mais une sorte de promesse ou d’abandon. Continuer le combat ou encore tout oublier.
Zambrano, la quarantaine, peut parler de ces enjeux vitaux, et elle a vu de nombreux films engagés italiens (et autres, sans doute). Elle a discuté avec des collègues de ces générations et de la sienne. Son travail est un essai cinématographique de grande haleine. Si la mise en scène varie entre les segments calmes et inquiétants, et d’autres où le suspense est soutenu, mais sans être nécessairement illustré, elle dirige la caméra de Laurent Brunet avec un mélange bizarre de sensualité et d’intrusion au corps, notamment aux visages, parfois en quasi gros plan. Sur ce point, Giuseppe Battiston, et surtout la jeune Charlotte Cétaire, s’en tirent avec les plus grands honneurs, comme perdus dans leur vie interrompue, déjà perturbée par l’absence féminine.
Réalisation
Annarita Zambrano
Genre : Drame – Origine : Italie / France – Année : 2017 – Durée : 1 h 31 – Dist. : K-Films Amérique.
Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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