20 juin 2018
Quelque chose qu’on peut accorder à Giovanni Princigalli, c’est bel et bien sa détermination, sa gouaille bien pensante et son enthousiasme fervent à filmer son identitaire, pour ne pas oublier, pour laisser des traces dignes, pour en faire ressortir, parfois par le regard moqueur rempli de tendresse, ce que cette même appartenance possède de plus humain.
Carolina est une Italienne de 80 ans; elle va rencontrer Yolaine, une jeune femme cubaine dans la trentaine qui semble fuir son futur mari, Frank, un Italo-québécois qui, sûrement, a arrêté le temps à une autre époque. Et puis…
En douze minutes, Princigalli trace deux beaux portraits de femmes. Ce n’est pas long pour broder comme il l’aurait fallu, mais assez pour que la caméra puisse en capter, par touches subtiles et parfois même lumineuses, des visages de femmes fortes.
Tout d’abord, Carolina, rôle tenu par une Antonina Marra magnifique, impériale. Mais après tout, dans le cinéma méditerranéen, les rôles de vieilles dames ont toujours laissé en nous une charge d’émotion. Si La fiancée est une production québécoise, donnant la parole à l’autre, comme il se doit et par ainsi changeant la carte géographique de notre cinéma national, faut-il rappeler que dans la mise en scène, la direction photo, le montage, et tous ces ingrédients techniques qui définissent un film possèdent une saveur européenne, ou tout du moins universaliste.
La première partie, filmée lors de la fête de Sant ’Anna, dans la petite Italie montréalaise, évoque en quelque sorte les films mondo italiens des années 60 (pourtant mal compris) : se perdre dans la foule, filmer ces visages errants, ces corps en quête, des passants qui vont et viennent de toutes parts. Quelque chose qui a à voir avec le cycle de la vie et sa mouvance, mais aussi, et surtout, avec l’aura, cette sorte de souffle métaphysiquement coloré entourant le corps humain, de la tête aux pieds et, qu’on le veuille ou pas, possèdent toutes les Italiennes et tous les Italiens depuis la Rome antique. La preuve, outre le cinéma américain, l’italien, du moins à son époque de gloire, est celui qui attire un public universel. Langue musicale? Mouvements? Gestes? Candeur naïve? Tout cela à la fois.
Mais Princigalli est ici plus subtil, permettant aux comédiens, sans doute non professionnels, de rendre le quotidien fictif, le récit aussi anecdotique que poétique. De contribuer à ce que le projet du réalisateur voit le jour dans les meilleures conditions possibles. Voilà un court métrage surprenant qui nous caresse comme un petit vent d’été. Et, une fois encore, Antonina Marra demeure inoubliable. Elle aussi a été jeune, même si aujourd’hui, l’attrait qu’elle suscite est d’une autre nature : amour familial, tendresse, féminité assumée, complicité, consciente de son époque avec preuve à l’appui, belle et lucide qu’on ne vous dévoilera pas, et malgré tout, encore prise par les traditions, pas celles qui aliènent, mais qui apaise le cœur, comme ce morceau de focaccia qu’on a envie de savourer.
Bravo, Giovanni!
Origine
Québec [Canada]
Année
2017
Durée
12 minutes
V.o.
Français, italien; s.-t.f.
La fidanzata
Réalisation
Giovanni Princigalli
Scénario
Giovanni Princigalli
Images
Antonio Pierre de Almeida
Montage
Christophe Flambard, Jordan Valiquette
Son
Jordan Valiquette
Musique
Simon L’Espérance, D.J. Lapiz
Distribution
Antonina Marra (Carolina), Tony Calebretta (Frank)
Lesly Velasquez (Yolaine), Gabrielle Gagnon-Blache (femme enceinte)
Producteur
Giovanni Princigalli
(Chasseurs films)
Distributeur
Héros Fragiles
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]
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