2 août 2018
Un débat fort révélateur éclate entre les personnages du premier film écrit et réalisé par l’humoriste Bo Burnham : Kayla, 13 ans, se fait questionner quant à ses habitudes de vie par des finissants de l’école secondaire lorsqu’un d’entre eux déclare qu’elle fait partie d’une tout autre génération qu’eux. Bien que cette idée est reçue avec dérision par le groupuscule, — « Nous ne sommes que cinq ans plus vieux que Kayla! » — il n’en demeure pas moins que sa remarque adresse un malaise réel. À l’évidence, rarement a-t-on vu un éventail de blagues et de références aussi culturellement et temporellement determines que celui qui nous est présenté ici. En ce sens, Eighth Grade se différencie des autres films ayant comme sujet l’enfance ou l’adolescence en attestant à l’accélération culturelle qui caractérise notre société contemporaine.
Dans un monde où le flux du web livre du contenu en continu sur nos écrans personnels, il se crée une hiérarchie de popularité selon les éléments auxquels on démontre notre affinité : Facebook, les filtres Snapchat, le dabbing ou la citation de mèmes du moment tels que « Lebron Jaaaame s», « Gucci !» et « It’s lit! ». Cette distinction bourdieusienne 2.0 pourra se ressentir à l’intérieur même de la salle de cinéma selon la reconnaissance et la réaction des spectateurs à ces références qui sont déjà tombées en désuétude entre le tournage et la distribution du film.
Kayla tente tant bien que mal de se situer dans ce no man’s land qu’est la middle school, l’école entre le primaire et le secondaire qui correspond généralement aux deux premières années du secondaire dans le système d’éducation québécois. Kayla est bien consciente de la hiérarchie de popularité qui structure sa cohorte, elle sait à quels garçons et filles elle aimerait se lier d’amitié, mais ne parvient pas à s’expliquer pourquoi elle est constamment rejetée par ces derniers.
On détecte donc une incongruence de valeurs : non seulement Kayla n’arrive pas à mettre le doigt sur ce qui compte pour les cool kids de son école, mais plus important encore, ses propres valeurs sont encore floues et mal définies. C’est captivant de la regarder tenter de se définir en cernant les qualités qu’elle veut exhiber ou qu’elle recherche chez ses amis potentiels. C’est précisément dans ces choix difficiles – surtout à 13 ans! – que réside la clé du bonheur.
Bien que le film a de sérieuses lacunes, surtout au niveau de la réalisation où la maîtrise très sommaire des matières d’expressions filmiques du jeune Bo Burnham est évidente, le scénario de Eighth Grade accompli un exploit impressionnant en faisant tenir notre point de vue sur la corde raide, ligne entre dérision et empathie : il parvient à nous faire rire de l’immaturité parfois abjecte de ces enfants qui jouent aux adolescents et de ces adolescents qui jouent aux adultes tout en nous rappelant l’importance qu’on accordait aux choses les plus triviales à cet âge. C’est un numéro de funambulisme fascinant à regarder.
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Genre
Drame
Origine
États-Unis
Année : 2018 – Durée : 1 h 34
Distributeur
Entract Films
Horaires & info.
@ Cineplex
Classement
Tous publics
Déconseillé aux jeunes enfants
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
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