Séquences – La revue de cinéma

En salle

The Accountant of Auschwitz

30 août 2018

| PRIMEUR |
Semaine 35
Du 31 août au 6 septembre 2018
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RÉSUMÉ SUCCINCT
Le 24 septembre 2014 à Lunebourg un homme de 93 ans est arrêté pour avoir été complice des meurtres de plus de 300 000 personnes durant la Seconde Guerre mondiale.

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LE FILM DE LA SEMAINE
| Anne-Christine Loranger |

★★★ ½

PROCÈS NAZIS : NÉCESSITÉ JUDICIAIRE
OU OPPORTUNISME POLITIQUE ?

En entendant parler du procès d’Oskar Gröning, cet ancien soldat de 93 ans accusé en 2014 de crime contre l’humanité pour sa participation aux activités assassines d’Auschwitz, on pourrait se dire ‘Encore des histoires de nazis!’ Quel intérêt, en effet, d’accuser un homme 70 ans après les faits, alors qu’il a peu de chance de survivre à même quelques années de prison ? Que pourrait en retirer les victimes et les survivants, de plus en plus rares ?

Connu sous le nom de ‘Comptable d’Auschwitz’, les responsabilités de Gröning comprenaient le comptage et le tri de l’argent pris aux prisonniers, et il était responsable des biens personnels des prisonniers qui arrivaient, en toute connaissance de cause, comme il l’avoue lui-même, faisant même des remontrances aux négationnistes de l’Holocauste. Pourquoi donc l’accuser, lui, alors que tant de criminels nazis coupables de crimes autrement plus sérieux s’en sortirent sans une accusation ? Et surtout, pourquoi seulement maintenant ?

The Accountant of Auschwitz est un film à voir, à revoir
et à discuter. Parce que le ‘Plus jamais’ de l’après 1945
s’est malheureusement trop souvent répété depuis.

Le film réalisé par le Canadien Matthew Shoychet a l’immense mérite de répondre à ces questions, élargissant le débat sur la question du droit et de la justice en faisant appel à des intervenants d’intérêt dont Benjamin Ferencz, ancien procureur en chef au tribunal de Nuremberg encore fringant à 98 ans dont les discours sont restés célèbres. S’appuyant sur une solide documentation d’archives, mais aussi sur des interviews passionnantes avec les survivants d’Auschwitz présents au procès, le film écrit par Ricki Gurwitz effectue une intelligente spirale sur les différents aspects du procès (brossant au passage un portait fort peu flatteur du système judiciaire allemand d’après-guerre) et qui permet d’aborder la question non seulement sous l’angle de Gröning lui-même, mais surtout sur ce que son procès signifie pour la justice dans le futur.

Au regard de l’arrestation et de la déportation récente de Jakiw Palij, qui aurait été garde à Sobibor et de ce fait accessoire à la mort de 60 000 personnes, The Accountant of Auschwitz est un film à voir, à revoir et à discuter. Parce que le ‘Plus jamais‘ de l’après 1945 s’est malheureusement trop souvent répété depuis.