12 novembre 2018
Œuvre gigantesque, brillante, d’une rigueur musicale impeccable. Pour l’époque, voire avant-gardiste. Tonalités qui devancent le siècle de sa création, annonçant un futur musical plus créatif.
La version OdM 2018 de cet Anneau du Rhin n’est pas qu’un simple délice pour l’ouïe, même si le soir de Première, l’Orchestre métropolitain baisse un peu la cadence, mais se reprende de plus belle, réalisant qu’avec Wagner, les musiciens n’ont guère le choix. Ou peut-être que ce n’est qu’une perception de l’auteur de ces lignes. Quoi qu’il en soit, la mise en scène de Brian Staufenbiel exploite à merveille ses propres décors et les projections audacieuses de David Murakami.
Ces éléments scéniques contribuent à rajeunir l’œuvre, évocant du même coup le célèbre dialogue scénique de notre Robert Lepage dans son triomphal et controversé cycle du Ring. Oser, déconstruire au diapason d’une œuvre musicale elle aussi questionnant son temps et ses codes en matière de musique. Bizarrement, le public de la soirée était composée de plus de jeunes, comme s’ils étaient venus s’approprier finalement la musique classique.
Parce que créer en quelque sorte par un rebelle, un homme hors du commun qui, malgré ses penchants antisémites, a su, paradoxalement, donner un nouveau souffle au classicisme ambiant. Comment concilier création et sentiments raciaux controversées. Binarité de l’être, ambivalence de l’existence.
L’orchestre est sur scène, et non pas comme d’habitude dans son lieu habituel. L’univers sous-terrestre, ingénieusement imaginé au même niveau que les spectateurs empêchent toutefois ceux assis dans les places arrière de voir comme il faut, particulièrement lorsque nous avons devant nous des spectateurs de haute taille [sur ce point, certains théâtres devraient ajuster leur parterre en mode descendant].
Nicole Pearce met en scène ses éclairages, donnant la couleur appropriée à chacune des quatre scènes de cet opéra en un seul acte où métaphores, légende, avidité, corruption, puissance des dieux, autant de composantes narratives suggérées par un Richard Wagner conscient des idées reçues des Grecs, du drame shakespearien, défiant les Italiens dramatiques, mais conventionnels et plus prisés par le public. Pour les voix, Wagner exige de plus puissantes, comme ce fut le cas dans le Lepage d’illustre mémoires. Mais d’avoir essayer est déjà un geste de grande valeur. Soulignons que Catherine Daniel (en déesse Erda) excelle par sa puissante voix et son charisme étincelant.
Œuvre difficile, exigeante, qui situe l’Opéra de Montréal sur le piédestal. Car ici, la mise en scène renvoit à un futur inquiétant qui montre la relation désabusée entre l’homme et la machine. Ici, bas sur Terre, selon Wagner, nous devons décider entre l’Être et le Néant, dans le sens sartrien ou pas.
DRAME EN 1 ACTE
Musique / Livret
Richard Wagner
Mise en scène / Décors
Brian Staufenbiel
Costumes
Matthew Lefebvre
Éclairages
Nicole Pearce
Projections
David Murakami
Distribution
Ryan McKinny, Roger Honnywell
Gregory Dhal, Steeve Michaud
Aidan Ferguson, Caroline Bleau,
Catherine Daniel [ et al. ]
Pupitre
Michael Christie
(Orchestre Métropolitain)
Production
Minnesota Opera
Présentation
Opéra de Montréal
Durée
2 h 25
[ sans entracte ]
Représentations
Mardi 13, jeudi 15 et samedi 17 novembre 2018
19 h 30
Place des Arts
(Salle Wilfrid-Pelletier)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]
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