15 novembre 2018
Les spectateurs, d’un côté et l’autre de la salle. La scène, au centre : après un préambule, aura lieu une émission de radio en direct à partir d’une chaîne sans doute communautaire, ou qu’importe. Deux animateurs anglophones parlant couramment le français invitent un groupe composé de quatre femmes de tous âges, de condition sociale et d’horizons divers : la française d’origine, la née au Québec de parents libanais, chrétienne, faut-il préciser, la Québécoise de souche et la jeune femme voilée par choix, cultivée, musulmane, qui parle plus bien que mal la langue d’ici.
Des questions leur sont posées. Et comme c’est dans la nature humaine, on ne répond pas directement car souvent ces interrogations gênent, désorientent, peuvent induire en erreur et laisser croire ce qui n’est pas nécessairement vrai. Bref, les intervenants ne sont pas préparés et sont pris au dépourvu.
Ça éclate, le courant ne passe pas, la vision des choses n’est pas la même chez chacune de ces belles personnes, toutes merveilleuses, justement parce qu’elles ne partagent rien en commun. C’est sans doute dans la différence, dans son acceptation une fois pour toutes qu’on pourrait réaliser, pas à pas, lentement-pas-vite, un rêve collectif. Message on ne peut plus délicat.
On parle du voile, bien sûr, de la croix, de la kippa. On mentionne qu’une société laïque se doit d’accepter la différence. Dans ce discours sur la laïcité, on oublie quelque chose de fondamental, un mot de la langue française qui vaut mille et une interprétations : nuance. Tout n’est ni blanc, ni noir, ni gris. Et si c’était dans cette guerre socialement fratricide que résidait un début de compréhension ?
Des absences dans la version française de ce soir de Première : où sont la communauté noire, la LGBTQ, la juive (oui, il existe de nombreux juifs sépharades qui, à 100 %, s’expriment en français et en sont fiers)… et puis, il s’agit de cinq invitées, dont aucun homme. Que pensent-ils de ce débat sur des facteurs sociaux qui divisent plutôt que de rassembler.
La grande surprise de la soirée : avant de quitter la scène avec les partipants-comédiens, les animateurs demandent aux spectateurs de s’installer librement sur scène et de s’exprimer sur les questions abordées. Je me porte volontaire (tiens ! c’est ma première Place des Arts), mais comme mes idées sont plutôt radicales et peuvent énerver d’aucuns, on ne m’applaudit (comme les autres intervenants) que quand je rappelle ce geste courtois aux spectateurs. L’honneur est sauf.
Si le texte d’Alex Ivanovici ose le quasi impossible avec souvent d’intéressantes réparties, la mise en scène de Chris Abraham aurait pu éviter les entrées en scène plutôt loufoques et incompréhensibles des intervenantes.
Les presque deux heures que dure le spectacle nous ramène à l’ordre et nous permet de signaler que ce genre de problème n’arrive qu’au Québec. Oui, on sent parfois le nous affronter le eux. Ça fait mal !
Christina Tannous campe une jeune étudiante rebelle, née ici et qui pourtant ne se sent pas intégrée. On peut comprendre sa détresse intellectuelle. Elle qui a tant à offrir.
Et puis, faut-il le rappeler, quel plaisir de revoir Pascale Bussières. La scène lui va si bien.
L’impact sur le spectateur demeure totalement viscéral. L’ovation debout n’est donc que justifiée.
Texte
Alex Ivanovici
Annabel Soutar
Brett Watson
Mise en scène
Chris Abraham
Assistance à la mise en scène
Marie Farsi
Distribution
Chris Abraham, Alex Ivanovici
Pascale Bussières, Amélie Grenier
Nora Guerch, Christina Tannous
Éclairages
Luc Prairie
Son
Simon Guilbault
Régie
Danielle Skene
Production
Les Productions Porte Parole
Durée
1 h 50
(sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 2 décembre 2018
En alternance, français/anglais
The Assembly
Diffusion
Espace Go
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.