5 janvier 2020
Mentions : Mad Dog and The Butcher – Les derniers vilains, The Twentieth Century
5. Les barbares de La Malbaie (Vincent Biron)
Un drame sportif atypique déboulonnant le mythe du bro debilitus, d’un humour gris comme les routes enneigées qui mèneront le joueur de hockey déchu Yves Tanguay (surprenant Philippe-Audrey Larue-St-Jacques) de La Malbaie dans Charlevoix à Thunder Bay en Ontario pour un tournoi supposément salvateur. Le réalisateur Vincent Biron et les scénaristes Eric K. Boulianne, Marc-Antoine Rioux et Alexandre Auger se sont autant inspirés d’un Rocky que d’un certain cinéma indépendant américain (Alexander Payne, Andrew Bujalski) pour nous livrer cette œuvre ne reniant pas le grand public, osant même plutôt l’amener courageusement en terrains inconnus.
4. Antigone (Sophie Deraspe)
Un film fou, enragé, avec en son centre la jeune comédienne Nahéma Ricci-Sahabi, livrant une performance digne de Renée Falconneti, prenant sur elle le poids d’un monde insensé, jusqu’au démantèlement complet de son être. Sophie Deraspe confirme son statut de cinéaste imprévisible, de haut vol, mélangeant ici la tragédie grecque et le drame social, jouant dans les zones floues séparant documentaire et fiction avec une aisance confondante.
3. La femme de mon frère (Monia Chokri)
Vif, drôle, intelligent, maniéré (dans le bon sens du terme) : plusieurs qualificatifs conviennent à La femme de mon frère. Les initié-es savaient déjà que Chokri possède un incroyable talent de scénariste et de réalisatrice (son court métrage Quelqu’un d’extraordinaire); les autres ont découvert une signature précise et inimitable, en continuité avec le meilleur d’un cinéma québécois généralement pastiché sans grande saveur. Ici, les hommages (et les répliques) enchantent et laissent entrevoir une longue et fructueuse carrière qui ne fait que commencer.
2. Carnaval (Alexandre Lavigne)
L’anomalie de la liste, un premier film du jeune comédien Alexandre Lavigne (Prank), tourné à peu de frais, toujours à la recherche d’un distributeur, pigeant dans les codes du cinéma lo-fi (voire amateur) des années 90 pour traiter de nostalgie, non pas dans un rapport culturel ou référentiel (ce qui aurait été facile et attendu), mais plutôt pour parler du temps qui passe et de notre capacité à guérir d’une tragédie personnelle. La distribution (Julie Leclerc et Gabriel Szabo en tête) émerveille (vous allez rire et pleurer, promis) et la réalisation parvient à subjuguer avec des bouts de ficelle. À cet effet, une scène où est détournée une pièce d’Alanis Morissette demeure, dans sa simplicité, l’un des moments les plus bouleversants de notre cinéma cette année.
1. Kuessipan (Myriam Verreault)
Un film à la fois de son époque et immémorial, documentaire de fiction, récit d’apprentissage, prise de parole de voix qu’il fait du bien d’entendre. Il aura fallu dix ans à Myriam Verreault pour répondre à son fabuleux À l’ouest de pluton. Ici, le même souci de documentariste d’aller saisir l’expérience humaine dans ses inflexions les plus subtiles, ce qui n’empêche pas de grands mouvements dramatiques, dans cette histoire de deux jeunes Innues de la Côte-Nord aux trajectoires opposées. Sharon Fontaine-Ishpatao et Yamie Grégoire nous ont donné des personnages complexes auxquels il serait difficile de ne pas s’identifier, malgré la distance qui pourrait nous séparer de leur expérience. Le meilleur film québécois d’une année, accordons-le, encore une fois exceptionnelle.
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