3 juin 2011
Au centre des Sciences de Montréal, en première mondiale, voilà une exposition montée par des organismes montréalais et qui fera ensuite le tour du monde. Le visiteur est tout d’abord muni d’un lecteur audio-vidéo dont la forme et l’empaquetage rend hommage aux petits magnétophones à cassette employés par les intervieweurs il y a une vingtaine d’années.
Le visiteur peut suivre premièrement un parcours sur les films d’Indiana Jones en scrutant certains artéfacts mythiques comme le fouet de la série et ce en lien avec certains événements historiques. Certaines salles en retrait permettent de comprendre et d’admirer le travail in situ de véritables archéologues avec en prime des objets trouvés lors de ces fouilles aux quatre coins du monde et prêtés par le National Geographic et le musée Penn.
Un jeu de piste dont les indices sont parsemés dans toutes les salles constitue un autre moyen de parcourir plus rapidement l’exposition. Il est difficile de revenir sur ses pas pour changer la langue du lecteur tant il y avait de monde le soir où nous je suis allé. De plus un plan de l’ensemble de l’exposition devrait être placé dans le lecteur afin que le visiteur puisse s’assurer d’avoir tout vu ce qui l’intéressait dans ce trop-plein d’informations. >> Luc Chaput
Liens
expositionindianajones.com
http://www.lucasfilm.com/films/indy/
http://news.nationalgeographic.com/news/archaeology/
En complément d’information, nous vous présentons un des textes publié dans le dossier « Indiana Jones » (Séquences, nº 255, pp. 27-28).
INDIANA JONES, VARIATIONS SUR UN MÊME THÈME
Les quatre films de la série Indiana Jones citent, pastichent et rendent hommage à de nombreuses références historiques et cinématographiques. Puis, à leur tour, ils inspirent une série d’œuvres et de produits dérivés. Cela faisait maintenant dix-neuf ans que les spectateurs n’avaient pas vu de suite sur grand écran d’Indiana Jones and the Last Crusade. Or, certains fans n’ont pas attendu la sortie d’Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull pour retrouver leur héros favori, puisque moult romans, jeux vidéos, bandes dessinées, parcs d’amusements et séries télévisées ont proposé depuis de retrouver l’intrépide archéologue au fouet.
>> Dominic Bouchard
À n’en pas douter, la tétralogie cinématographique s’amusent avec le spectateur en lui proposant un véritable jeu de déchiffrage, jeu d’énigmes, jeu de pistes, c’est selon. La mise en scène spielbergienne procède ici par signes : tout comme le scénario place dans le décor des indices que les personnages devront interpréter, Spielberg place dans ses films des signes destinés aux spectateurs. C’est une invitation à la participation : il faut être attentif au moindre détail, de peur de laisser échapper quelque chose d’important. En pastichant ou réinterprétant certaines œuvres et certains genres du cinéma populaire, ils encouragent, sur le mode ludique, une reconnaissance des allusions. Cette dynamique semble être en plan avec les visées grand public de leur cinéma. Spielberg et Lucas appartiennent à une génération d’auteurs qui recyclent les inventions des anciens cinéastes. Dans les années 1980, il est souvent dit qu’Hollywood se « cannibalise » – pour reprendre une expression de David Ansen –, c’est-à-dire qu’on y récupère ce qu’on a déjà fait de mieux. Avec Indiana Jones, on revisite le film d’aventures en lui injectant une dose d’autodérision toute postmoderne.
INDIANA JONES, UN HÉROS (PAS) COMME LES AUTRES
En 1977, Spielberg confie à Lucas qu’il aimerait réaliser un James Bond. Lucas lui répond qu’il a une bien meilleure idée. Ainsi naquit Indiana Jones. Cette série conserve comme personnage principal un homme viril et courageux, mais certains accents sont surlignés, tel son humour, alors que d’autres sont atténués, tel son amour des femmes – d’ailleurs, tout le cinéma de Spielberg aborde l’amour et la sexualité avec une extrême pudeur. Indiana Jones préserve également de James Bond ses habitudes de globetrotteur et sa mégalomanie qui l’amènent à éliminer tous les vilains de ce monde. Il conserve aussi son caractère macho – mais avec pour nuance un côté enfant d’école studieux. Mais l’ultime clin d’œil à l’agent 007 ne s’est-il pas accompli en attribuant le rôle du père d’Indiana Jones à Sean Connery !
Plus d’un aficionado a noté les nombreux ascendants (conscients ou non) du personnage d’Indiana Jones. Un des plus cités est Fred C. Dobbs, le prospecteur d’or interprété par Humphrey Bogart dans le film de John Huston, The Treasure of the Sierra Madre (1948). Spielberg avoue d’ailleurs s’être inspiré de ce personnage. Outre le costume, Indy partage avec ce personnage un goût de l’aventure et une malchance qui le conduit toujours sur le chemin de l’ennemi.
Cela dit, une autre influence, peut-être plus importante celle-là, est à la base du personnage et de ses aventures, soit le film Secret des Incas (1954), de Jerry Hopper. Ce classique oublié du cinéma d’aventures conduit son héros, Harry Steele, interprété par le défunt Charlton Heston, dans les terres éloignées du Pérou. Il suffit d’un coup d’œil donné au personnage principal pour être persuadé qu’avec Indy il n’y a rien de nouveau sous le soleil : manteau de cuir, chapeau Fedora, pantalons kakis, barbe de deux jours, tout est au rendez-vous. Ainsi, Indiana Jones trouve son inspiration essentiellement dans un cinéma d’après-guerre. Avec l’arrivée du technicolor dans les années 1940-1950, les films mettant en scène des aventures exotiques se sont multipliés. Les spectateurs ont pu, entre autres, suivre jusqu’en Afrique le personnage créé par H. Rider Haggard, Allan Quatermain (Stewart Granger) dans sa quête du trésor du Roi Salomon (King Solomon’s Mines, 1950) et chercher les trésors archéologiques de l’ancienne civilisation égyptienne avec la paire cinématographique formée de Robert Taylor et Eleanor Parker dans Valley of the Kings, de Robert Pirosh (1954). Et à toutes ces inspirations, il faut peut-être ajoutée celle, plus implicite, de Zorro.
DES JEUX VIDÉOS AUX MONTAGNES RUSSES
Au-delà des qualités formelles et narratives des oeuvres, Indiana Jones est un produit reposant sur une logique marchande qui conçoit le cinéma en terme de franchises et de produits dérivés. Force est d’admettre que la franchise permet quelque chose de singulier, soit de voir évoluer une histoire et ses personnages à travers diverses œuvres et divers médias. Dès le début des années 1980, George Lucas a compris le potentiel de la franchise et a créé un jeu vidéo à partir de Star Wars. À cette même époque paraissait pour la console Atari 2600 une adaptation d’Indiana Jones and the Raiders of the Lost Ark. Dès lors, la franchise a engendré son lot de jeux vidéos ; une vingtaine de versions différentes basées sur les aventures de l’anthropologue. Qu’il s’agisse d’une reprise d’une aventure cinématographique ou télévisuelle, ou encore, d’une aventure inédite, les jeux de plateforme et les jeux d’action rendent possible une nouvelle forme d’interaction avec l’univers d’Indy.
De 1992 à 1996, une série a été créée pour le petit écran : The Young Indiana Jones Chronicles. Au total, on compte 44 épisodes, dont plusieurs scénarisées par Lucas lui-même. Chacun de ses épisodes à visée éducative traite d’évènements et de figures historiques marquants en réutilisant des notions qui ont été abordées dans les films ou dans les émissions précédents. Un épisode commence toujours à l’époque actuelle. Un Indiana Jones vieux de 93 ans raconte une histoire de son enfance. Puis, le récit effectue un retour en arrière afin d’illustrer une nouvelle aventure. En plus de préciser la psychologie du personnage, la série donne une multitude d’informations sur la vie et les aventures d’Indy. Par exemple, on y apprend qu’il est né avec le 20e siècle, soit le 1er juillet 1899, que jeune il était scout et qu’il a participé à la Première Guerre mondiale. Dès 1993, la série télévisée a été novélisée. Il y eut aussi une série Indiana Jones écrite par le romancier Rob MacGregor. Au total, on compte une trentaine de romans issus de ce sujet.
La franchise a également donné lieu à différents sites de parcs d’attractions un peu partout dans le monde. Abstraction faite de son objectif pécuniaire, ce type de dispositif est intéressant en ce sens qu’il permet d’amener l’immersion du spectateur à un autre niveau, celui-là bien physique. En fait, que les films de Lucas et Spielberg fassent l’objet de montagnes russes n’a rien d’incohérent, puisque le ludisme est à la base de leur cinéma grand public. Et si l’on remplace la caméra par les yeux du spectateur, on constate que peu de chose distingue le parc d’attractions du plateau de tournage : éclairages, personnages, décors, effets spéciaux, bande sonore, actions, scènes, tout y est.
Née d’une série d’influences, la franchise c’est aujourd’hui une télésérie, des romans, des jeux vidéos, des parcs d’amusements, des bandes dessinées, des jeux de rôles, des figurines et des jouets ; bref, autant de variations sur un même thème qui permettent de prolonger et de nuancer l’existence (fictive) du légendaire anthropologue. Cette évolution de la franchise a évidemment stimulée une communauté de fans, fans qui seront sans doute ravis de voir le documentaire de Brandon Kleyla qui sortira au courant de l’année 2008, Indy fans and the Quest for Fortune and Glory. Quant à Spielberg, il continue de revisiter des univers populaires en préparant une trilogie sur l’aventurier journaliste né de la plume d’Hergé : Tintin.
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