17 mai 2012
>> Élie Castiel
Dans La Presse de vendredi dernier, soit celle du 18 mai 2012, un article signé André Duchesne rapportait une nouvelle fort inquiétante concernant les médias œuvrant dans le domaine du cinéma, et plus particulièrement ceux présents au festival de Cannes. L’affaire en question : la mise en place par un distributeur canadien d’un système de paiement pour pouvoir interviewer des vedettes importantes dans le cadre du plus important événement cinématographique au monde. Nous ne reviendrons pas sur ce texte fort révélateur et pertinent révélant au grand jour une pratique à peine naissante que nous souhaitons, finira par avorter, mais plutôt nous concentrer sur une remarque de Bryan Miles, président de la FPJQ (Fédération professionnelle des journalistes du Québec) dont Duchesne fait écho : «… il y a un principe simple voulant que nous n’ayons pas à payer pour avoir accès à de l’information. Si les médias commencent à embarquer dans ce jeu, on va se retrouver un jour où seuls les plus gros auront accès aux célébrités… »
Cette citation nous oblige à réfléchir sérieusement sur l’état actuel des choses. En fait, il s’agit dans ce cas d’une situation qui perdure depuis de nombreuses années et qui vise à ne donner qu’aux gros joueurs (quotidiens, hebdomadaires culturels, magazines généralistes à très gros tirage, etc.) la possibilité de rencontrer les « dites » célébrités. Si on tient pour compte que par célébrités, cela veut vouloir dire « américaines (et de plus en plus québécoises), force est de souligner que depuis toujours, seuls les médias influents ont en accès. Si d’une part, les publications spécialisées ne courent pas généralement ces grandes vedettes, laquelle d’entre elles refusera une entrevue avec, par exemple, un Woody Allen ou un Terrence Malick ?
Toujours est-il que face à ce paradoxe, nous constatons que les relations publiques dans le domaine du cinéma (et possiblement dans d’autres champs d’intérêt) sont devenues à tel point mercantiles dû à une concurrence féroce tournant autour de la visibilité, ce par quoi se définit en quelque sorte la société nord-américaine, que les médias plus discrets sont le plus souvent ignorés. Cette propension hiérarchique est d’autant plus inquiétante qu’elle ne fait que s’accentuer de façon exponentielle à mesure que de nouveaux joueurs entrent dans la course, notamment ceux issus du phénomène Internet.
D’une part, il faut souhaiter un retour à des normes plus égalitaires, mais de l’autre, et face à l’explosion de nouveaux interlocuteurs virtuels, nous nous devons de séparer l’appronfondi et le foncier du superficiel et de l’éphémère. Si grâce aux nouveaux supports, l’acte de faire des films s’est démocratisé parfois même de façon alarmante et déconnectée de la réalité, le même phénomène réside dans le domaine des médias. Pour les journalistes (et critiques) qui se démarquent, mais qui ne font pas partie des grands, c’est une lutte de tous les instants.
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