22 septembre 2012
La venue à Montréal du chanteur, acteur et activiste Harry Belafonte pour y recevoir un prix humanitaire de ce festival permet de mettre en lumière l’évolution de cette communauté multiforme par le biais de documentaires importants.
>> Luc Chaput
Même si le documentaire biographique Sing Your Song sur la vie d’Harry Belafonte, produit entre autres par sa fille Gina, escamote certaines zones d’ombre de son long parcours, il permet de montrer l‘impact de ce chanteur dans l’évolution des mentalités et de mesurer le chemin parcouru depuis les années 50 dans le domaine du racisme institutionnel ou ordinaire. Les extraits des films où Harry Belafonte joua sont très courts, la réalisatrice Susanne Rostock préférant avec raison montrer le travail de Belafonte à la télévision américaine et les embûches qu’il a dû y affronter. L’acteur-chanteur utilisa cette visibilité et cette popularité grandissante dans son implication dans la lutte non-violente pour les droits civiques aux États-Unis et ailleurs et ce encore aujourd’hui.
Pour la plupart des gens, l’abolition de l’esclavage aux États-Unis s’est produit à l’époque de la Guerre civile. Pourtant un livre récent, Slavery by Another Name de Douglas A. Blackmon, a détruit ce mythe. Le long métrage de Sam Pollard portant le même titre est un mélange détonnant d’entrevues, de reconstitutions avec acteurs et de présentations d’archives illustrant des cas les plus patents. Il démontre comment les états du sud, après la période de la Reconstruction, ont miné les droits des noirs en augmentant les règlements discriminatoires et en condamnant les fautifs à de longues peines de prison. Les prisonniers étaient alors loués par les états comme main d’œuvre à des entreprises de divers types et y étaient habituellement maltraités. Ce n’est là qu’un des moyens par lesquels les Afro-américains du sud ont été pour la plupart maintenus dans un sous-prolétariat pendant plus de soixante-dix ans.
En 1989, à New York une agression dans Central Park révulse une grande partie de la population. Cinq adolescents de Harlem sont rapidement arrêtés, poursuivis puis condamnés à tort. Le livre de Sarah Burns, The Central Park Five, relate par le menu toute l’histoire de cette erreur judiciaire où diverses pistes ont été rejetées du revers de la main par les détectives et les procureurs dans une ambiance survoltée par l’augmentation de la criminalité et des tensions raciales. La coréalisation par l’auteure, par son père le fameux documentariste Ken Burns et par le mari de celle-ci David McMahon, du film adaptant l’étude, est pointilleuse dans sa description des événements. Pourtant l’absence d’entrevues de policiers et de procureurs reliés de près ou de loin à l’affaire en réduit la portée.
Ken Burns a entre autres produit et réalisé la télésérie Jazz où l’on trouve une séquence sur la fameuse photo prise en 1958, A Great Day in Harlem, et montrant cinquante-sept musiciens de jazz. Sur cette photo, il n’y a que deux femmes alors que comme le démontre avec passion et diligence la réalisatrice Judy Chaikin dans The Girls in the Band, il y a eu des orchestres de musiciennes noires et blanches depuis longtemps dans les diverses formes de jazz. La réalisatrice montre également preuves sonores et cinématographiques à l’appui, le talent et même le génie de certaines de ces femmes, aussi compositrices ou chefs d’orchestre, qui ont été le plus souvent envoyées sur des voies de garage par le machisme ou le racisme ambiant. Le film se termine d’ailleurs par une version féministe de la fameuse photo où des survivantes de l’époque héroïque côtoient leurs consœurs plus jeunes et maintenant célèbres à juste titre.
Voilà donc quelques-uns des longs métrages présentés dans ce festival diversement multiculturel.
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