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Les Belles-Sœurs

22 septembre 2012

FEMMES ENTRE ELLES

Des femmes se réunissent dans la cuisine d’une de leurs proches pour l’aider à  coller des timbres « gagnants » qui lui permettront de se procurer de nombreux articles ménagers. Mais cette rencontre qui débute dans la bonne humeur, le rire et le partage se transforme petit à petit en règlements de comptes et en d’autres sortes de vacheries humaines et mesquines… sans compter sur l’arrivée inopinée d’un personnage qui dévoile la face cachée de ces prétendues amies.

>> Élie Castiel

Reprendre Les Belles-Sœurs dans le genre délicat et aventureux qu’est la comédie musicale était une gageure, d’autant plus audacieuse qu’elle risquait de donner gain de cause aux détracteurs de Michel Tremblay. Pari totalement gagné en faveur de l’auteur grâce au génie de René Richard-Cyr, un des metteurs en scène québécois parmi les plus brillants, et de Daniel Bélanger, passant d’un registre musical à l’autre avec un dextérité palpable et sophistiquée.

Transcendant la fable populaire, la confrontant aux codes constamment en transformation de la mise en scène, il occupe l’espace scénique comme dans la version d’antan tout en l’agrémentant d’un nouvel apport musical. D’où la présence de personnages masculins, certes absent de l’intrigue mais qui, par leur participation orchestrale, remettent adéquatement les pendules à l’heure.

Et devant les spectateurs, ces femmes sont splendides, généreuses, tricheuses par jalousie, envie ou peut-être bien survie. Elles vivent la vie, la secouent le temps qu’elle reprenne son véritable sens, dévoilant du même coup tout ce qu’elle a de mesquin et de merveilleux. Tout vole en éclat, et tant mieux. L’univers de Tremblay est ici multiplié à la puissance mille. Les chansons apportent un côté ludique, parfois même dramatique qui surprend et nous émeut. Côté décors, une salle de cuisine à l’ancienne domine l’espace, kitch mais vivante, bigrement humaine ; des deux cotés, deux présences musicales cachées par un grand ventilateur, comme si Richard-Cyr aurait voulu aérer la pièce, lui donner une nouvelle vie, une forme autre, la déconstruire pour mieux la préserver malgré le passage du temps.

Revivre le passé, parler de nostalgie de façon aussi magistrale, rendre hommage à l’un des grands auteurs nationaux, évoquant sans cesse la puissance de ses mots, cela est encore possible, mais il faut avoir un talent fou pour y parvenir. René Richard-Cyr appartient à ses metteurs en scène qui, en osant, en se jetant corps, âme et esprit sur ce qui les anime, parviennent à réaliser les rêves les plus fous. Et pour les spectateurs, c’est l’occasion de vivre des moments de pure émotion, dans tous les sens du terme, et même si cela ne devait durer qu’un court instant.

THÉÂTRE MUSICAL | Auteur : Michel Tremblay – Livrets et paroles : René Richard-Cyr – Mise en scène : René Richard-Cyr – Musique : Daniel Bélanger – Décors : Jean Bard – Éclairages : Martin Labrecque – Costumes : Mérédith Caron – Comédiennes : Marie-Thérèse Fortin, Sonia Vachon, Maude Guérin, Sylvie Ferlatte, Kathleen Fortin, Michelle Labonté, Suzanne Lemoine, Christiane Proulx, Hélène Major, Dominique Quesnel, Monique Richar, Édith Arvisis, Marie-Évelyne Barbeau, Maude Laferrière, Janine Sutto, Milène Leclerc, Anna Rouleau | Durée : 2 h 15 (incluant 1 entracte) – Représentations : Jusqu’au 29 septembre 2012 – Monument National.

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