5 octobre 2012
>> Élie Castiel
Quelque part au Québec, dans une maison de campagne. C’est l’été et nous sommes en pleine canicule. Tous (ou presque) sont prêts à commencer un repas pour fêter les fiançailles de Monique et d’André, venus de la ville. Entre Gabriel et Louise, les hôtes, rien ne va plus. De silences inquiétants en dénis involontaires occultés, entre conversations anodines et vérités finalement avouées, le ton monte et le drame familial s’étend comme une traînée de poudre.
Le texte français de Jean-Marc Dalpé, dans toute son originalité et sa clairvoyance, évoque les écrits de Michel Tremblay, notamment dans leur description de la classe ouvrière. Il y a, dans la présentation, une démarche, une langue, une idiosyncrasie particulière, des us et des coutumes magnifiquement représentés, des impulsions, des rêves, une vision du monde et de la vie. Nous sommes donc devant un langue musicale teintée de tons graves, parfois électriques, souvent drôles comme s’il s’agissait, pour les personnages, d’un instinct de survie face à un monde qui les dépasse.
Et puis la traduction en anglais de Maureen Labonté, coup d’envoi de la saison 2012-2013 au Centaur. Si d’une part la mise en scène de Harry Standjofski et les décors de James Lavoie assurent une cohérence à l’ensemble, le texte anglais est trop proche de l’original, ne laissant aucun espace de liberté à la langue d’arrivée, avec comme résultat un étrange malaise difficile à assimiler. Mais bientôt, lorsque le drame éclate, tout s’éclaire. Nous sommes devant un conflit familial à teneur universel où Delpé et Labonté convoquent les thèmes de la famille, de l’amour, de la réconciliation, du déni, de la culpabilité, de toutes ces choses qui compliquent la vie ou la rende plus supportable. Au début, la banalité des propos nous surprend. Mais petit à petit, les mots prennent de d’ampleur, s’inscrustent dans notre esprit et ne nous lâchent plus. Nous leur donnons leur sens véritable. Le processus d’indentification s’installe.
La mise en situation de Standjofski, occupant l’espace scénique dans sa totalité, d’une extrémité à l’autre, est constamment efficace. Mais ce sont surtout les détails (une napppe qu’il faut choisir pour dresser la table, une couleuvre qu’on découvre dans le jardin… des bouteilles de bière, un camion qu’on ne voit jamais) qui deviennent des moteurs servant à attiser le drame qui va suivre. Et puis des comédiens, des montréalais, tous impeccables dans des rôles de composition exigeants. Mais tout compte fait, August – An Afternoon in the Country est le portrait rigoureusement évocateur d’une québécitude à saveur universelle.
>> COMÉDIE DRAMATIQUE | Auteur : Jean-Marc Dalpé – Traduction : Maureen Labonté, d’après Août – Un repas à la campagne – Mise en scène : Harry Standjofski –– Musique : Yves Morin – Décors : James Lavoie – Costumes : James Lavoie – Éclairages : Martin Sirois – Comédiens : Chip Chuipka (Simon), Clare Coulter (Paulette), Graham Cuthbertson (Gabriel), Pier Kohl (André), Pauline Little (Jeanne), Danette MacKay (Monique), Eleanor Noble (Louise), Arielle Palik (Josée) | Représentations : Jusqu’au 28 octobre 2012 – Centaur.
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