31 octobre 2012
>> Élie Castiel
Bien plus que sur le corps, Coma est une pièce sur la durée. Le corps est assujetti à un espace limité, temporel, celui d’une scène théâtrale dénudée, sans artifices, sans le moindre signe de vie, situant le personnage unique dans une sorte d’univers parallèle qui se distingue cruellement de la réalité, lui imposant une règle de conduite, soit « sans conduite », libre de bouger, de s’exprimer comme bon lui semble ; à la limite, ignorant inconsciemment la présence d’un auditoire, mais néanmoins exposé devant lui, le temps de livrer un témoignage troublant.
Et puis un texte, celui de Pierre Guyotat, empreint intentionnellement de paroles écorchées, d’anecdotes banales, de mots insignifiants, d’autres d’une sagesse inexorable. Le quotidien et l’imaginaire s’affrontent, se confondent, s’enchevêtrent et s’annoncent sans crier gare pour mieux perdre le spectateur. Car Coma est un récit complexe, exigeant, autrement dit « pas pour tout le monde ».
C’est dans un contexte de lecture-spectacle qu’il faut contempler et écouter Coma, à défaut de quoi on risque de se retrouver dépaysé, désorienté. Composée d’extraits du récit autobiographie de Guyotat, auteur singulier, proche de Barthes et d’autres « surréalistes », cette confession singulière évoque le parcours expiatoire de l’écrivain « jusqu’au bout de la mort ». En quelque sorte, une sorte de purification de l’âme. Tout se confond comme dans un rêve éveillé : souvenirs, rêves dans le rêve, mises en abyme, rencontres, confessions, l’intime et l’existentiel. On peut comprendre qu’il est question ici d’une traversée intellectuelle et c’est ainsi qu’elle doit être comprise.
Et puis, oui, pourquoi pas, c’est aussi une pièce sur la représentation du corps. Une entité physique guidée par la force de dire, de témoigner, de se livrer aux spectateurs tout en renonçant à bien l’articuler. Des mots nous échappent, d’autres vibrent à nos oreilles. Thierrey Thieû Niang dirige ce corps sans voile, lui attribuant un territoire particulier, irréel, hors du monde. Chéreau, le comédien, parle, gesticule, s’asseoit sur la chaise ou par terre, bouge de temps en temps, explorant la scène nue, cherchant à transmettre la parole, ne renonce jamais. Et jamais aussi représentation ne fut aussi à la fois lucide et désespérée.
★★★ 1/2
LECTURE-SPECTACLE | Auteur : Pierre Guyotat – Mise en scène : Thierry Thieû Niang – Production : Les Visiteurs du Soir (France) – Comédien : Patrice Chérau | Durée : 1 h 15 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 4 novembre 2012 – TNM.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. ★ Moyen. ☆ Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi 1/2 — LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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