2 août 2013
À la fin du XXe siècle, Lucifer demande un procès sur terre afin de pouvoir quitter l’Enfer et de retourner au Paradis d’où il a été chassé.
>> Luc Chaput
Dans le cadre de Fantasia, la jeune compagnie montréalaise Title66 représente cette production d’une œuvre de jeunesse de l’écrivain et cinéaste britannique Clive Barker. Dans un décor sobre à la dominante blanche avec au fond des mannequins de plastique, un rideau de fond de scène permettant certaines ombres chinoises et des boîtes rectangulaires servant entre autres de malles, un peu de jaune (des cordes et un grand escabeau) parsème ce lieu. Le noir est réservé au diable et à ses acolytes et l’on dénote l’absence étonnante de rouge.
Sur scène dans trente-quatre rôles de très inégale importance, huit jeunes interprètes réussissent à donner vie et sens à ce texte d’un artiste multidisciplinaire (Hellraiser) écrit alors qu’il était étudiant universitaire.
On y retrouve une histoire du monde du point de vue de ce Diable et où Jésus, Dante et autres illustres et inconnus sont appelés à la barre des témoins et mis à mal dans un environnement africain. On se demande d’ailleurs pourquoi ce dépaysement ? Le procès a lieu selon les règles britanniques de procédure criminelle et l’on assiste à un changement d’accent qui rend quelquefois l’écoute difficile. Dans le rôle principal Lucas Chartier-Dessert a la Beauté du diable indispensable à cette séduction protéiforme. Pour Barker, le Diable a aussi beaucoup appris des humains qui lui ont donc peut-être mal enseigné la vie. L’arrivée sur terre en Russie donne lieu à un grand moment où le metteur en scène Jeremy Michael Segal enveloppe le nouvel humain d’un linge blanc et l’on assiste ainsi à la naissance d’un adulte. L’emploi de plumes blanches qui virevoltent à d’autres moments permet de rapprocher cet épisode de l’histoire des cygnes blanc et noir. À côté de Lucas Chartier-Dessert, Liana Montoro, Arielle Palik et Logan Williams dans un rôle travesti, ressortent du groupe d’acteurs plutôt talentueux qui se démènent dans une mise en scène impliquant plusieurs changements de scène et de décors au vu et au su des spectateurs. Le caractère intriguant de certains masques (entre autres celui à deux faces d’une accusée) rajoute à la préhension d’un monde si loin et si proche. La configuration de la salle a empêché certains spectateurs situés sur les côtés de voir toutes les actions présentés à leur bon vouloir. La modulation des séquences et l’éparpillement dans l’espace rendaient difficilement audibles certaines répliques. Après ce long discours multiforme de près de trois heures, l’entreprise de Barker sur l’humanité du diable et la diablerie des humains reste malgré tout une œuvre inachevée.
★★
DRAME PHILOSOPHIQUE | Mise en scène : Jeremy Michael Segal – Décors / Accessoires: Logan Williams – Éclairages : Alexander Smith – Costumes : Logan Williams – Masques : Danielle Fagen, Joshua Cape – Son : Jeremy Michael Segal – Comédiens : Lucas Chartier-Dessert, Delphine DiTecco, James Harrington, Lily MacLean, Kyle McIIhone, Liana Montoro, Arielle Palik, Logan Williams | Durée : 2 h 50 (incluant 1 entracte) – Représentations : Jusqu’au 3 août 2013 / Place des Arts (5e salle)
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