12 septembre 2013
Avec Vic+Flo ont vu un ours, Denis Côté nous amène dans des lieux peu visités du cinéma québécois où les méchants règnent en maître, où les femmes ne sont ni des mères, ni des filles et où la forêt est un lieu d’enfermement. Si, d’apparence, Vic+Flo ne s’attache à rien de ce que le Québec produit habituellement, il demeure un film profondément québécois qui parle de nous et qui, surtout, parle de cinéma.
>> Anne-Christine Loranger
Le Québec est le champion mondial des films de papas et de mamans absents. À croire que nos cinéastes ne savent pas filmer autre chose ! De Robert Lepage à Sébastien Rose et de Denys Arcand à Louis Bélanger, presque tous nos cinéastes ont exploré des aspects de la figure parentale absente, image ô combien porteuse au sein d’un peuple orphelin qui continue à se chercher. C.R.A.Z.Y., Les Invasions barbares, Incendies et Rebelle sont à cet égard des chefs-d’œuvre du genre. Denis Côté n’y a pas échappé non plus avec Les États nordiques (2005), Elle veut le chaos (2008) et Curling (2010). Vic+Flo ont vu un ours, son récent opus couronné d’un Ours d’argent à la Berlinale, a ceci de réjouissant qu’il montre un univers n’ayant rien à voir avec une figure parentale, mais tout à voir avec un autre grand thème porteur au sein de la psyché québécoise, celui de la marginalisation.
À peine sortie d’’un long séjour en prison, Victoria (Pierrette Robitaille) débarque dans l’ancienne cabane à sucre de son oncle, imposant patriarche devenu pendant son absence invalide et muet. Elle est reçue de mauvaise grâce par les voisins Charlot (Pier-Luc Funk) et son père (Olivier Aubin), qui se sont chargés de prendre soin du vieil homme. Malgré les efforts de Guillaume (Marc-André Grondin), travailleur social chargé de sa réinsertion, Victoria ne se laisse approcher que par Florence (Romane Bohringer), sa compagne de prison et amante récemment libérée, venue la rejoindre dans sa cabane à sucre. Plus jeune et encore affamée de vie, Florence n’est pas chaude à l’idée de demeurer dans ce coin perdu, au milieu des bois. Mais tous les efforts de Florence pour se joindre au monde demeurent vains et la forêt, hantée par Jackie (Marie Brassard), un fantôme du passé de Florence, se referme comme une mâchoire sur les deux femmes.
Texte complet : Séquences (nº 286, p. 34-35). La critique est accompagnée d’une entrevue avec Denis Côté (p. 36-37)
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