10 novembre 2013
Dans The Square, film d’ouverture de cette 16e édition des RIDM, Jehane Noujaim suit pendant deux ans, de 2011 à 2013, des personnes de diverses tendances politiques et de différents statuts sociaux qui ont manifesté sur la place Tahrir au centre du Caire. Elle documente ainsi de longue haleine les discussions, les tensions entre les divers groupes mais aussi les amitiés qui naissent puis se fissurent dans l’évolution de la situation. Même si le film inclut des extraits de reportage vus par ailleurs, ce film en est loin, jouant sur la durée et nous donnant au moins l’illusion de séjourner au plus près de ces personnes qui ont voulu faire tomber un régime et changer leur vie
Le festival rend hommage à Marcel Ophuls, très grand documentariste franco-américain qui depuis au moins Français si vous saviez en 1969, revient de diverses manières sur la Seconde Guerre mondiale et sur les crimes contre l’humanité qui s’y sont produits et qui continuent encore sous d’autres oripeaux. Rithy Panh dans L’Image manquante présente une vision plus personnelle du génocide cambodgien perpétré par les Khmers rouges. Le film, par sa brillante utilisation de petits personnages en glaise, réussit à rendre visible ces terribles moments d’Élimination (titre de son livre parallèle) peu documentés sauf dans ces séquences des rues de Phnom Penh vide de ses habitants envoyés manu militari en rééducation agricole. À l’opposé, le cinéaste québécois Khoa Lê dans Bà Noi nous fait côtoyer sa grand-mère vivant encore dans son Viet Nam natal et y montre de discrète manière l’évolution et l’imbrication de la modernité et des traditions.
On pouvait s’attendre après le succès au moins critique de Leviathan que les autres œuvres issues de ce Sensory Laboratory Lab, situé à Harvard, soient présentées dans un festival montréalais et les RIDM en ont eu l’idée et la possibilité. Le financement des universités et d’autres organismes publics devient un sujet de discussion qui fâche, Frederic Wiseman, grand ethnologue des organisations, après La Comédie Française et ce depuis Titicut Follies, continue avec At Berkeley, son exploration minutieuse d’un lieu et des personnes qui y vivent.
Encore une fois sa petite équipe a capté des images et des sons banals ou inattendus et Wiseman en assemble les séquences dans un tableau pointilliste de quatre heurs qui illustre très bien la vitalité de cette grande institution américaine. Nicolas Philibert quant à lui nous montre comment fonctionne un service public de télécommunication mais La Maison de la radio est malgré tout plus près du reportage malgré quelques moments étonnants.
Nous aurons l’occasion de revenir ici ou dans la revue sur certains autres films dont À jamais, pour toujours où Alexandra Sicotte-Lévesque donne la parole à des quidams vivant de l’intérieur d’un Soudan divisé. Parmi les courts, Magnetic Reconnection de Kyle Armstrong emploie à merveille le temps qui passe lentement et rapidement pour jeter une lumière différente sur le nord du Manitoba.
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