14 mars 2014
La reprise de Rodin/Claudel, œuvre ambitieuse non seulement par son sujet, plus proche du cinéma que du ballet, n’est pas seulement un événement en soi, mais une gageure pour les Grands Ballets Canadiens. La narration austère se mesure dans la relation tumultueuse qui existe entre deux artistes qui, dès le début de leur rencontre, vivent une tension amoureuse et professionnelle hors norme.
C’est ce qui a sans doute conduit Peter Quanz, à qui l’on doit maintes chorégraphies dans diverses compagnies, à transposer cette aventure troublante en ballet. Car ici, c’est notamment le rapport au corps qui surprend : rapport des danseurs-sculptures avec les protagonistes, rapport des protagonistes entre eux, mais aussi, et c’est là l’aspect subliminal de l’entreprise, rapport entre les danseurs et les spectateurs. Ces derniers doivent composer avec une histoire déjà racontée par le cinéma. La danse a ce côté abstrait de relater un récit. Comment interpréter les mouvements, les gestes, les pas de deux, les distorsions du corps. Le spectateur, lui, doit imaginer ces rapports.
Avouons que si nous sommes au courant de la relation entre Auguste Rodin et Camille Claudel, la narration est plus claire et conduit à des moments de pure extase, notamment dans la suggestion sensuelle des gestes, notamment en ce qui a trait aux nombreuses caresses et au toucher en général. Mais il y a aussi un certain humour narquois qui se dégage de l’ensemble, là aussi chorégraphié (les danseuses-infirmières sont l’exemple le plus éloquent).
Nous comptons sur les décors, notamment sur ces tuiles murales alternant entre des variations de bleu et de gris, en harmonie parfaite avec l’état psychologique des amants.
Il y a un va-et-vient incessant entre les sculptures et les personnages de cette intrigue magnifiquement orchestrée. Le premier acte déroute et demande un effort de concentration au-delà de la normale ; le deuxième, par contre, se laisse amadouer par une musique encore plus appropriée. L’avortement de Camille Claudel est évident, les conséquences de cet acte sont montrées efficacement. Dansé, son internement est d’une cruelle beauté.
Le corps de ballet demeure, comme c’est le cas la plupart du temps, impeccable, maîtrisant les mouvements avec grâce et volupté. Le rideau annonçant la fin descend lentement, puis s’arrête au milieu. Un carton nous annonce ce qui adviendra par la suite à Camille. Le rideau se ferme ensuite totalement. Nous sommes alors les témoins privilégiés d’un drame amoureux admirablement exécuté.
RODIN / CLAUDEL | Chor. : Peter Quanz – Cons. mus. : Florian Ziemen – Décors / Cost. : Michael Gianfrancesco – Éclair. : Marc Parent – Danseurs : Corps de ballet des Grands Ballet Canadiens | Durée : 1 h 45 (incluant 1 entracte) | Prochaines représentations : Jusqu’au 22 mars 2014 – Place des Arts (salle Maisonneuve)
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. ★ Moyen. ☆ Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi ½— LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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